6 Jun 2020 | Civil Law & Litigation

Le juge en référé sauve le chaton LEE et siffle l’AFSCA
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Une étudiante belge voulait faire venir en Belgique un jeune chaton du Pérou. L’animal y avait été pucé et vacciné, également contre la rage.

La réglementation[1] prévoit qu’un tel animal doit rester en quarantaine pendant 3 mois avant de pouvoir être déplacé vers un autre pays. Ceci afin d’éliminer complètement tout risque de contamination.

Le SPF Santé publique indique sur son site web qu’une dérogation à la règle peut être accordée en cas de situation d’urgence telle qu’une catastrophe naturelle ou une instabilité politique nécessitant un rapatriement immédiat.  Une demande doit être introduite auprès de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA). La pandémie du coronavirus pourrait constituer une exception.

L’étudiante avait également introduit cette demande de dérogation auprès de l’AFSCA alors qu’elle était encore au Pérou, mais l’AFSCA a jugé qu’il y avait un risque trop élevé de rage. L’AFSCA a justifié cette décision en se basant notamment sur le fait que le Pérou est un pays à haut risque pour la rage. Dans la petite ville de Cuzco – où le chaton a été trouvé – la rage a d’ailleurs été récemment diagnostiquée. De plus, aucune information n’est connue sur l’histoire du chaton dénommé “Lee”, qui a seulement été trouvé le 10 février 2020 dans un jardin, quelque part au Pérou. Le chaton est probablement né vers le 10 novembre 2019, mais personne ne sait dans quelles circonstances ni où et quels contacts a-t-il eu. Par la suite, le chaton Lee aurait par ailleurs été en contact avec d’autres chats au Pérou dans un “café pour chats” local. On ne sait pas si ces autres chats étaient infectés par la rage.

Le chaton a été vacciné contre la rage sur place, au Pérou, mais seulement le 24 mars 2020. La propriétaire du chat avait introduit la demande de dérogation à l’AFSCA seulement 3 jours après l’avoir vacciné. L’AFSCA était d’avis qu’une vaccination n’offrait aucune protection si l’animal était déjà infecté. La période d’incubation de la rage est en moyenne de 20 à 60 jours, c’est pourquoi une quarantaine de 3 mois est nécessaire.

Cependant, en raison de la pandémie du coronavirus, l’étudiante n’avait qu’une dernière chance de rapatriement vers la Belgique et elle a décidé, malgré la décision négative de l’AFSCA, d’emmener le chaton en Belgique, début du mois d’avril 2020.

Une fois sur place, elle a reçu une demande d’euthanasie de l’AFSCA. En effet, à cause du risque que le chat soit contaminé par la rage, l’AFSCA a décidé que l’animal devait être euthanasié.

Le ministre flamand du bien-être animal, Ben Weyts, remet en question dans les médias l’approche de l’AFSCA. Selon l’article 1 de la loi sur le bien-être des animaux[2], personne n’est autorisé à commettre des actes qui provoquent la mort d’un animal sans nécessité. Il déclare par exemple qu’en l’espèce, il n’y a pas lieu de le faire, car l’animal peut parfaitement être mis en quarantaine ici en Belgique. Il n’exclut pas que l’étudiante soit punie pour avoir importé illégalement un animal, mais ne considère pas l’euthanasie comme nécessaire. Une pétition en ligne a même recueilli près de 30 000 signatures en quelques jours.

Dans son arrêt du 8 mai 2020, le Conseil d’État avait déjà jugé que l’euthanasie, imposée par un règlement européen, ne violait pas la loi sur le bien-être des animaux[3].

L’arrêté royal du 13 décembre 2014[4] ne contient pas de sanction explicite en cas de violation  par les particuliers des obligations prescrites lors de l’importation d’animaux. Cette sanction n’était prévue que dans le cas de déplacements commerciaux, c’est-à-dire par des professionnels tels que les éleveurs. Toutefois, il semble évident que les mesures qui y sont prévues peuvent également être appliquées aux particuliers.

La question publique est de savoir si l’AFSCA n’a vraiment pas d’autre option que l’euthanasie. L’article 12 de l’arrêté royal dispose qu’en cas d’infraction, trois options sont possibles, à savoir le retour dans le pays d’origine, la quarantaine ou l’euthanasie. En ce qui concerne l’euthanasie, il est expressément indiqué qu’elle ne peut être appliquée que dans la mesure où le retour ou la quarantaine serait impossible. Il s’agit donc d’un dernier recours, d’un “ultimum remedium”.

Cependant, il y a une nuance importante, il ne s’agit pas seulement d’une infection potentielle, mais de la rage. C’est une maladie qui est toujours mortelle chez les humains et chez les animaux, dès l’apparition des symptômes. L’arrêté royal du 18 septembre 2016[5], qui porte spécifiquement sur la protection contre la rage, impose donc une analyse de risque pour les animaux suspects. Si l’analyse des risques indique un risque élevé, l’euthanasie doit être ordonnée. L’AFSCA a effectué cette analyse du risque et en a conclu que l’euthanasie était la seule solution sûre. Cette décision a été contestée par la propriétaire devant le Conseil d’État, mais le recours a été déclaré non-fondé[6].

Ensuite, la propriétaire a refusé de remettre le chaton Lee à l’AFSCA, et n’a pas proposé l’animal pour l’euthanasie. L’AFSCA a même fini par perquisitionner le domicile parental de l’étudiante, mais n’a pas pu y trouver le chaton.

En effet, dans l’exercice de toutes ses compétences, l’AFSCA peut effectuer un certain nombre d’actes de contrôle et d’enquête. L’AFSCA est par exemple autorisée par arrêté royal à effectuer des perquisitions.[7] Les agents assermentés de l’AFSCA peuvent à tout moment effectuer une perquisition dans un local ou une pièce où se trouvent des produits ou des animaux sous leur contrôle ou pour y recueillir des preuves. Si la perquisition a lieu dans une maison privée, elle ne peut être effectuée qu’entre 5 heures et 21 heures, après autorisation préalable d’un juge de police.

En outre, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme impose un certain nombre d’exigences supplémentaires. Une fouille reste une dérogation à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège le droit à la vie privée et familiale. La perquisition ne peut avoir lieu que si elle est autorisée par la loi, nécessaire à l’enquête, proportionnée et conforme au principe de subsidiarité.

La possibilité d’une perquisition menée par l’AFSCA est prévue par l’AR, qui suffit en tant que loi. Nécessaire signifie que cette perquisition ne peut avoir lieu que si elle est réellement nécessaire à l’enquête et/ou à la collecte de preuves. Par exemple, une recherche visant à mettre quelqu’un sous pression n’est pas autorisée. Proportionnel signifie que l’acte d’enquête de grande envergure doit être proportionnel à l’infraction. Cet acte ne peut être exécuté à la légère pour des infractions mineures. Enfin, il y a la subsidiarité, ce qui signifie que la perquisition ne peut être effectuée que s’il n’existe pas de mesure d’enquête moins intrusive, qui conduirait au même résultat. La question de savoir si toutes ces conditions ont été remplies dans ce cas précis aura, selon toute probabilité, été envisagée au préalable par le juge de police.

L’AFSCA a finalement procédé à une citation en référé. L’affaire a été introduite le 15 mai. L’AFSCA réclame une astreinte de 5.000,00 € par heure de non-remise du chaton pour euthanasie.

Toute poursuite pénale devra être décidée par le ministère public. Les sanctions encourues par la propriétaire sont énumérées dans la loi sur la santé animale.[8] Si le chaton infecte effectivement d’autres animaux, l’importateur risque même une peine de prison allant jusqu’à 5 ans et/ou une amende pouvant atteindre 80 000 euros (après décimes additionnels). Le simple fait de ne pas respecter la mesure, sans entraîner de contamination, peut être sanctionné par une amende allant de 800 à 40 000 euros (après décimes additionnels). Il faut aussi avoir à l’esprit que le juge peut également ordonner la confiscation du chaton. Il est donc théoriquement encore possible que si le chaton n’est pas euthanasié, il puisse être confisqué, à titre de sanction pénale. Pour information, ce n’est pas encore l’objet du débat en référé.

Le juge en référé a finalement rendu son verdict le 5 juin 2020.

Le tribunal a décidé que l’AFSCA avait violé l’obligation de motivation.

En effet, les articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991[9] disposent que les actes de gestion doivent être explicitement motivés et que les considérations juridiques et factuelles sur lesquelles la décision est fondée doivent être indiquées. Ceux-ci doivent être suffisants.

Cependant, l’AFSCA ne donne pas de raisons suffisantes pour que la mise en quarantaine du chaton ne soit pas réalisable. L’AFSCA se limite à l’affirmation vague et générale que cela constituerait un risque sanitaire irresponsable, mais n’explique pas pourquoi il en est ainsi.

En outre, le tribunal estime que l’AFSCA a supposé des données factuelles incorrectes lorsqu’elle a déclaré que l’euthanasie est la seule possibilité de contrôler le risque sanitaire de la rage. En effet, tous les experts cités par les parties, y compris la NVWA (l’homologue néerlandais de l’AFSCA), sont d’accord pour dire qu’une quarantaine pendant un certain temps est une solution pour contrôler le risque que le chat soit infecté par la rage.

Le juge déclare donc la décision de l’AFSCA illégale en raison de la violation de l’obligation de motivation. Selon la réglementation européenne[10], l’euthanasie ne peut être décidée qu’en dernier recours si le retour ou la quarantaine sous contrôle officiel n’est pas possible.

Le chaton Lee sera autorisée à vivre et l’AFSCA devra prendre une nouvelle décision ou du moins mieux motiver leur décision actuelle

Rédaction: Eva Tessens et Koen De Backer

Traduction : Alizée Lust et Pauline Vanhorenbeke

Studio Legale

[1] Règlement UE n°576/2013 du Parlement européen et du conseil du 13 juin 2013 relatif aux mouvements non commerciaux d’animaux de compagnie et abrogeant le règlement (CE) n°998/2003 et A.R. 13.12.2014 relatif aux règles vétérinaires régissant les mouvements des chiens, chats et furets, M.B. 29.12.1014

[2] Loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, M.B. 03.12.1986.

[3] Conseil d’Etat, 8 mai 2020, RG 247/513, Selena ALI c. AFSCA.

[4] A.R. 13.12.2014 relatif aux règles vétérinaires régissant les mouvements des chiens, chats et furets, M.B. 29.12.1014.

[5] A.R. du 18.09.2016 relatif à la prévention et à la lutte contre la rage, M.B. 17.10.2016.

[6] Conseil d’Etat, 8 mai 2020, RG 247/513, Selena ALI c. AFSCA.

[7] A.R. du 22.02.2001 organisant les contrôles effectués par l’Agence fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire et modifiant diverses dispositions légales, M.B. 28.02.2001.

[8] Loi du 24 mars 1987 relative à la santé des animaux, M.B. 17.04.1987.

[9] Loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, M.B., 12 septembre 1191, 19.976.

[10] Art. 35 Règlement (Eu) n° 576/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif aux mouvements non commerciaux d’animaux de compagnie ; A.R. 13 décembre 2014 relatif aux règles vétérinaires régissant les mouvements des chiens, chats et furets, M.B., 29 décembre 2014, 106336.

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