29 Oct 2020 | Criminal Law

La crise sanitaire en Belgique : Un terrain fertile pour les discriminations indirectes ?
Opgelet: dit artikel werd gepubliceerd op 29/10/2020 en kan daardoor verouderde informatie bevatten.

Avocats Sans Frontières publie une étude sur l’impact indirectement discriminatoire des politiques d’urgence belges sur certaines catégories de la population, en particulier celles en situation de vulnérabilité. L’analyse, réalisée dans le cadre du projet ‘Monitoring Covid-19 et État de Droit’, s’appuie sur les activités d’observation et une série d’entretiens conduites par ASF en juin et juillet 2020.

Pour limiter la propagation du Coronavirus, le gouvernement belge a pris, au début de la crise sanitaire, une série de mesures contenues dans l’arrêté ministériel du 23 mars 2020[1] visant à réduire les contacts entre personnes et imposant un confinement généralisé.

Ces mesures, neutres à première vue, parce qu’applicables à l’ensemble de la population, ont cependant eu des effets indirectement discriminatoires dans leur mise en œuvre sur certains groupes de personnes en situation de vulnérabilité[2].

Des entretiens conduits avec des travailleurs sociaux, des organes de médiation et surveillance actifs en Belgique pendant le confinement, ainsi qu’une analyse documentaire, ont révélé que les personnes migrantes, les détenu.e.s en prison et en centre fermé, les personnes sans domicile fixe, les femmes victimes de violences, les personnes âgées et handicapées, celles économiquement fragilisées et celles qui habitent les quartiers défavorisés, ont effectivement payé plus lourdement que d’autres le prix des mesures d’urgence.

Cela a été causé, d’une part, par une politique uniformisée de gestion de la crise qui n’a fait qu’amplifier les inégalités socio-économiques existantes, et de l’autre, par une application différenciée des mesures, plus sévère pour certains groupes de personnes.

Dans le premier cas, la suspension ou la limitation d’accès aux aides sociales, aux visas et à l’asile, causée par la fermeture généralisée ou la numérisation des services essentiels, a eu comme effet de fragiliser davantage les couches de population déjà vulnérables auxquelles ces services s’adressent. Ce gel des services a de surcroît déclenché un ‘effet domino’ qui trouve sa meilleure illustration dans l’émergence d’une nouvelle population de personnes sans-abris n’ayant pas pu faire valoir leurs droits économiques et sociaux pendant le confinement. Au-delà de l’arrêt des services essentiels, le confinement généralisé décidé par le gouvernement a encore précarisé certains groupes de personnes et n’a pas touché toute la population de la même manière. Les personnes qui ne pouvaient pas rester « chez elles », les personnes détenues en prison ou en centre fermé, celles hébergées en centre d’accueil, les personnes sans domicile fixe et les femmes victimes de violences domestiques, faute d’un logement décent et sûr, ont payé un plus lourd tribut. Pour elles, le respect des interdictions de sortie a parfois été constitutif de violation des droits humains, comme le droit à la dignité ou l’interdiction de traitements inhumains et dégradants. Dans d’autres cas, le confinement n’était matériellement pas possible.

Dans le deuxième cas, des discriminations indirectes ont aussi été induites lors du contrôle du respect des mesures par les forces de police. De tels abus ont été observés à plusieurs reprises et semblent découler à la fois du caractère flou des mesures prises par le gouvernement et d’une marge d’interprétation importante laissée à la force publique. L’analyse croisée des incidents collectés lors des entretiens, complétée par la veille documentaire, ont en effet fait émerger une pratique de profilage dans l’application et le contrôle des mesures, ou à tout le moins une tendance à cibler de manière plus prononcée certains groupes de personnes selon leur appartenance à des couches sociales et ethniques, ou à des quartiers et des zones spécifiques.

Comme l’enseigne la Cour européenne des Droits de l’Homme, de telles discriminations, si elles peuvent être démontrées, entraînent la responsabilité de l’État belge. Celui-ci n’a en effet pas pris en compte les inégalités existantes au sein de la société lors de la gestion de la crise et n’a pas adapté les mesures afin de protéger ces catégories de personnes vulnérables, en amplifiant les différences économiques et sociales.

Flavia Clementi

Lire et/ou télécharger l’étude

[1] Texte disponible au https://bit.ly/3mzaGFw .

[2] Il se peut que des mesures neutres dans leur formulation entrainent néanmoins des effets discriminatoires sur certains groupes de personnes lors de leur mise en œuvre. Ces discriminations sont classifiées de ‘discriminations indirectes’ par le droit européen et du Conseil de l’Europe.

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