Il y a trois semaines, j’ai assisté à la célébration d'emeritate de mon ancien maître, le professeur Bruno Peeters. Ce fut une conférence passionnante sur les impôts et la (re)distribution. Mais ce qui m’a le plus marqué dans sa leçon d’adieu ? Sa passion. Comment, après quarante ans, il regarde encore son domaine avec autant d’enthousiasme. D’où cela vient-il, me suis-je demandé ? Je crois avoir trouvé la réponse : c’est la curiosité qui le pousse, l’envie de découvrir sans cesse de nouvelles choses. Et il a bien raison. La curiosité est une merveilleuse façon d’aborder la vie. Et elle semble offrir bien des avantages.
La curiosité comme fil conducteur dans la vie, y compris professionnelle
Moi aussi, j’ai toujours été curieux. Pas un fouineur, mais un gamin avide de savoir, émerveillé par le monde. Enfant, cela me poussait à chercher des lutins lors de balades en forêt avec mes parents, à écouter mon professeur d’histoire la bouche bée, à m’inscrire dans trois bibliothèques communales différentes, à publier mes propres magazines, à devenir un collectionneur fanatique de faits insolites et à participer à des quiz, et cela m’a inspiré à étudier le droit.
Aujourd’hui encore, cette curiosité reste le moteur de ma vie (professionnelle). C’est ce désir intérieur de comprendre. Et à chaque fois, je constate combien cela me guide en tant que juriste et rédacteur, surtout dans ce monde juridique en constante évolution, avec des lois qui changent sans cesse, des bouleversements technologiques, des évolutions sociétales et de nouvelles attentes.
« Rester immobile, c’est reculer », pourrait-on dire du juriste du XXIe siècle. Dans ce contexte, la curiosité n’est pas un luxe, mais une nécessité : pour comprendre pourquoi une modification législative a été introduite, comment un juge a raisonné pour rendre son verdict, ou ce qui motive réellement vos clients. Ce n’est pas le diplôme qui vous garde affûté, mais votre volonté constante d’apprendre.
Les juristes curieux progressent plus vite
Les juristes curieux cherchent activement le savoir, élargissent leur perspective, osent remettre en question leurs propres idées. Exactement ce qu’il faut dans une société de plus en plus complexe.
La curiosité vous rend aussi plus enthousiaste et plus souple. Celui qui pense tout savoir se dirige vers une impasse (voir aussi mon texte sur le confirmation bias). Un juriste qui continue à se demander s’il n’y aurait pas une autre manière d’aborder un dossier progresse. Les personnes curieuses sont plus flexibles, car elles ne s’agrippent pas aux certitudes. Elles accueillent le changement plutôt que de le craindre.
Pour un avocat, cela peut signifier adopter des outils numériques, recourir à des modes alternatifs de règlement des différends, s’intéresser à l’innovation juridique ou travailler avec des équipes pluridisciplinaires. Il n’est pas nécessaire d’adopter toutes ces innovations, mais les ignorer complètement finira par vous coûter cher. Vous risquez de devenir obsolète.
Et la curiosité alimente l’enthousiasme : l’enthousiasme de découvrir de nouvelles choses dans son domaine, de collaborer avec de nouvelles personnes, de jeter un œil au-delà de sa propre discipline, etc.
La curiosité comme source de confiance en soi
Fait intéressant, la curiosité mène aussi à davantage de confiance en soi. Ceux qui s’autorisent à poser des questions ont moins peur de l’inconnu. Ils comprennent qu’on n’a pas besoin de tout savoir, mais qu’on peut tout explorer. Cette mentalité est libératrice.
Pour un juriste, cela signifie qu’on gère mieux les situations complexes ou inattendues. En tant que juriste d’entreprise, on ose dire à son CEO : « Je vais devoir vérifier cela. » On pose les bonnes questions aux clients au lieu de faire semblant de savoir. Et on se sent plus sûr de soi, car on sait : peut-être que je ne sais pas encore tout, mais je peux le découvrir, en fouillant la bibliothèque ou en interrogeant un collègue.
Les juristes curieux sont de meilleurs auditeurs
Que vous soyez avocat, notaire ou juriste d’entreprise, vous devez bien communiquer. La plupart des juristes savent bien parler, expliquer, argumenter. Mais il y a aussi l’autre côté : écouter.
Il y a une différence entre écouter pour répondre et écouter pour comprendre. Vous êtes-vous déjà surpris à n’écouter qu’à moitié, en préparant déjà votre réponse ? Sans doute. Cela nous arrive à tous. Mais les personnes curieuses font quelque chose de différent : elles écoutent pour comprendre. Elles veulent vraiment savoir ce que l’autre veut dire, sans chercher à imposer leur propre message. Et c’est justement ce qui les rend particulièrement bien adaptées aux métiers comme avocat, notaire, juge ou médiateur.
Un avocat à l’écoute sincère comprend mieux les véritables besoins de son client. Un notaire curieux du contexte familial peut mieux conseiller sur un pacte successoral. Un médiateur attentif perçoit les frustrations sous-jacentes et peut rapprocher les parties.
Cela pourrait être une « citation inspirante » : « La curiosité rend la communication plus riche, plus profonde, plus humaine. » Mais c’est essentiel dans le monde juridique, qui concerne par définition des êtres humains. On crée une vraie connexion. Et en prime ? Un client satisfait.
Votre mémoire vous en remerciera
Les personnes curieuses retiennent mieux ce qu’elles apprennent. C’est ce que montrent plusieurs études psychologiques. Quand on absorbe une information par réel intérêt, elle s’ancre plus profondément dans la mémoire.
Pour les juristes – pour qui la mémoire est un outil essentiel – c’est un bel avantage.
Que ce soit pour la législation, la jurisprudence ou les faits d’un dossier : la curiosité rend l’apprentissage plus facile et plus durable. On apprend moins par devoir, et plus par envie. Et cela fait toute la différence.
Et pour les étudiants en droit en pleine période d’examens
La curiosité peut être votre alliée. Vous êtes en train d’assimiler, de mémoriser, de comprendre. Ne vous contentez pas d’apprendre par cœur, mais interrogez-vous : pourquoi cela ? Comment cette théorie s’applique-t-elle dans la pratique ?
Étudier devient bien moins sec quand on adopte une posture d’enquête. Même ce chapitre difficile sur le droit des obligations devient digeste si vous vous demandez : « À quoi cela peut-il me servir dans la vraie vie ? »
Un regard plein d’émerveillement
Notre époque est complexe et incertaine. Dans un tel monde, la curiosité n’est pas un trait facultatif, mais une compétence indispensable. La curiosité nous rend plus lucides, plus humains, plus dynamiques. Elle transforme les juristes en penseurs critiques plutôt qu’en répétiteurs de règles. En auditeurs engagés plutôt qu’en experts solitaires.
Alors, chers collègues juristes : chérissez votre curiosité, conservez ce regard émerveillé. Laissez-lui de la place. Car celui qui s’émerveille trouve de nouveaux chemins. Et le droit progresse grâce à ceux qui, curieux, continuent à poser des questions.
Wim Putzeys, rédacteur en chef de Jubel
Ce texte a été traduit du néerlandais. Lire l'original ici
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