Verval van de strafvordering bij fusies en splitsing: houdbaar als oud = nieuw? cover

14 Jul 2022 | Criminal Law

L’extinction de l’action publique en cas de fusion et de scission est-elle tenable quand ancien = nouveau ?
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Le droit belge de la procédure pénale prévoit un nombre de circonstances qui empêchent l’introduction ou la continuation d’une action pénale. Ainsi l’article 20 Titre Préliminaire du Code de Procédure Pénale stipule que l’action publique prend fin lors du décès de l’inculpé. Une personne morale potentiellement pénalement responsable, peut, dans un certain sens, aussi ‘mourir’.

Parfois le ‘décès’ d’une personne morale peut mettre fin à une action publique en cours….

Plus encore, une personne morale est capable plus facilement de causer soi-même son ‘décès’, qu’une personne physique, et ce avec des conséquences moins dramatiques. Ceci a poussé le législateur en 1999 quand il introduisait la responsabilité pénale de la personne morale, de prévoir trois nouveaux motifs d’extinction de l’action publique pour la personne morale sous l’article 20, première alinéa du Code de Procédure Pénale. Il s’agit de:

  • la clôture de la liquidation ;
  • la dissolution judiciaire, et
  • la dissolution sans liquidation (i.e. la fusion et la scission).

Sauf en cas d’ ‘abus’ …

Sous la seconde alinéa du même article le législateur a prévu un règlement anti-abus qui doit éviter qu’une personne morale ‘poursuivie’ se suicide afin d’échapper à une poursuite judiciaire. L’action publique ne prendra pas fin si :

  • la mise en liquidation, la dissolution judiciaire ou la dissolution sans liquidation ont pour but d’échapper à la poursuite, c’est-à-dire en cas de fraude à la loi, OU
  • la personne morale, avant la perte de la personnalité juridique : (i) a été mise en examen par le juge d’instruction; (ii) a été renvoyée par la juridiction d’instruction, ou (iii) a été directement cité sur le fond.

En plus de ces limitations à l’extinction sous l’article 20, alinéa 2 du Code de Procédure Pénale, le législateur a également prévu une possibilité d’agir de manière à faire obstacle à des tentatives de suicide par des personnes morales. Cependant un tel agissement se situe dans le stade actuel du droit belge de la procédure pénale principalement dans le domaine de l’instruction judiciaire.

Le juge d’instruction ne peut non seulement faire obstacle à un (projet de) suicide frauduleux par une inculpation sous l’article 20, alinéa 2 du Code de Procédure Pénale, mais il peut également ‘empêcher’ sur base de l’article 91 du Code de Procédure Pénale. Cet article permet en effet la suspension de la procédure de dissolution ou de liquidation, ou interdit certaines transactions patrimoniales qui peuvent mener à l’incapacité de la personne morale.

Le ‘mécanisme de hachage’ dans un nombre limité de cas précis

En ce qui concerne les trois formes de restructuration énumérées de manière limitative, qui pour la personne morale qui en fait l’objet, mènent nécessairement à son ‘décès’ (perte de personnalité juridique) , le législateur a explicitement opté pour l’extinction de l’action publique. Il s’agit d’un mécanisme de hachage par lequel les actes commis par la personne morale ‘décédée’ pendant sa ‘vie’, ne peuvent plus être poursuivis, et une condamnation devient dès lors impossible.

Toutes autres formes de restructuration des personnes morales (e.g. le transfert d’actions et/ou de biens, l’ apport d’une unité ou d’une branche, le transfert d’une unité ou d’une branche, la scission partielle, etc…) ne donnent dès lors pas lieu à l’extinction de l’action publique.

Si la société A a délibérément ou par manque de prudence abandonné des déchets de manière illégale, elle pourra normalement encore toujours être poursuivie après avoir vendu partie de ces actions à B. Le glissement au sein de l’actionnariat laisse en principe l’action publique intact. Dans des cas pareils, il est recommandé de vérifier quelle personne morale s’identifie de facto avec A (ancien) ; in casu A (nouveau) ou plutôt B. Une telle solution (cf. les Pays-Bas et la France) trouve son origine dans l’autonomie du droit pénal, où le juge doit vérifier dans les faits si une identité socio-économique existe entre l’ancienne personne morale et son/ses successeur(s) (juridique(s)).

Le juge décidera au cas par cas s’ il est question d’ ‘identité sociale’. Pour ce faire celui-ci pourra notamment tenir compte des activités de la personne morale nouvelle et ancienne, du lieu de ses activités et de la question à savoir qui exerce la direction et le contrôle de et sur ces sociétés.

Le danger de ‘réincarnation’ est-il suffisamment endigué ?

Evidemment l’on peut à juste titre se poser la question lors du hachage en cas de dissolution sans liquidation dans quelle mesure « nouvelle est réellement nouvelle » ? En choisissant le hachage en cas de dissolution sans liquidation le législateur n’a pas tout à fait tenu compte des mises en garde de la jurisprudence, d’autant plus que dans ces cas la personne morale décédée peut de facto être ‘continuée’ dans une autre structure. D’ailleurs, même après l’introduction du mécanisme de ‘hachage’, ceci a souvent été déploré et mis en question. Car dans ce cas également les hypothèses selon lesquelles la personne morale disparue est à même de se réincarner en une autre personne morale, sont nombreuses. Il était alors conseillé d’exercer l’action publique par rapport à la nouvelle personne morale dans la mesure où celle-ci démontre une identité socio-économique avec la personne morale disparue. La crainte existait en effet que des personnes morales pourraient abuser du règlement de l’article 20 du Code de Procédure Pénale en se suicidant de manière contrôlée et organisée, et en poursuivant toutes les activités et le patrimoine complet à travers une autre personne morale.

Et en France…?

Le règlement actuel en France concernant l’extinction de l’action publique pour des personnes morales diffère du règlement belge. Contrairement au règlement de l’article 20 du Code de Procédure Pénale, le règlement français n’est pas spécifiquement focalisé sur la personne morale. Le droit français ne connait dès lors pas de disposition anti-abus qui entre en vigueur en cas de certaines restructurations pour empêcher l’extinction de l’action publique vis à vis de la personne morale. Par exemple, quand une fusion a pour objet de contourner la responsabilité pénale, l’on applique la figure de droit de la ‘fraude à la loi’ (fraus omnia corrumpit).

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et la Cour de Justice comme quide …

Dans un arrêt du 25 novembre 2020 la Cour de Cassation française est allée encore plus loin en appliquant de facto la théorie d’identification à une fusion par absorption comprenant une dissolution sans liquidation (ce qui en Belgique mènerait sauf application de la disposition anti-abus, au ‘hachage’). La Cour française a jugé que l’activité économique de la société reprise était continuée par la société reprenante. La Cour française de Cassation a trouvé appui pour ce faire dans la jurisprudence de la CEDH et de la Cour de Justice.

Le 24 octobre 2019 la CEDH (CARREFOUR France / France ) a jugé que l’application d’une amende civile à caractère pénal à la nouvelle société après fusion par absorption pour des faits à charge de l’ancienne société absorbée, n’entravait pas au principe du caractère personnel de la sanction telle que garantie par la CEDH.

La Cour s’appuyait pour ce faire sur la continuité économique de l’entreprise selon laquelle la société absorbée n’est pas dissociable de la société absorbante. La Cour réfère dans ce cas précis de fusion par absorption dans ses considérations à :

  • la transition générale du patrimoine vers la nouvelle société,
  • les actionnaires de l’ancienne société qui deviennent actionnaires de la nouvelle, et
  • la continuation dans la nouvelle société de la même activité économique qui était le cœur de la société absorbée.[1]

La Cour de Cassation française a trouvé un second appui dans un arrêt de la Cour de Justice du 5 mars 2015. Dans cet arrêt la Cour a jugé que les dispositions de la directive 78/955/CEE doivent être interprétées de telle façon qu’une fusion par reprise implique le transfert vers la société reprenante de l’obligation de paiement d’une amende infligée après la fusion pour des délits commis par la société reprise avant la fusion.[2]

Malgré que cet arrêt de la Cour de Justice concernait la matière spécifique d’une amende infligée dans le cadre du droit de la concurrence, sa portée sur le droit pénal est sans doute plus large, car la Cour réfère à la responsabilité infractionnelle. La Cour considère qu’une telle responsabilité est une composante au passif de la société qui lors d’une fusion par absorption disparaîtrait, ce que la Cour estime en contradiction avec la nature de la fusion car celle-ci est caractérisée par la transition du patrimoine complet de la société reprise par une dissolution sans liquidation. Si la responsabilité pour ces infractions de la société reprise n’était pas transférée vers la société reprenante, l’intérêt de l’état membre qui inflige l’amende ne serait pas protégé.

En France la nouvelle société peut , quand ancienne = nouvelle, être condamnée pour des faits commis avant la fusion ou la scission.

Principalement l’arrêt de la CEDH du 1er octobre 2019 a été révélateur ou catalyseur pour que la Cour de Cassation française change son fusil d’épaule et juge que la société reprenante peut être condamnée à une amende ou une confiscation pour des faits commis avant la fusion par la société reprise.

La Cour de Cassation souligne dans son arrêt que son interprétation purement anthropomorphe selon laquelle une fusion par absorption est équivalente au décès d’une personne physique, nie la spécificité de la personne morale qui peut changer de forme sans liquidation, ignorant ainsi complètement la réalité économique. Ainsi la Cour se rapproche fortement des critiques reprises ci-dessus de la législation belge concernant les cas pour lesquels il apparaît après reprise de l’intégralité du patrimoine, que la nouvelle personne morale est en fait la continuation de l’ancienne (théorie de l’identification).

L’arrêt français de Cassation pousse à nouveau à la réflexion concernant le règlement belge de l’article 20 du Code de Procédure Pénale qui règle l’extinction de l’action publique lors de la dissolution sans liquidation. D’autant plus que ni la Cour de Justice ni la Cour de Cassation en France ne semblent limiter leur jugement au cas d’abus.

Suite à l’analyse qui précède la question se pose si le règlement belge concernant l’extinction de l’action publique en cas de dissolution sans liquidation quand il n’est pas question d’abus, et avant qu’il ne soit question d’inculpation, de renvoi vers le juge de fond, ou de citation directe, est encore en ligne avec la jurisprudence de la Cour de Justice et de la CEDH? La critique ancienne sur l’utilisation de la dissolution sans liquidation comme fond pour l’extinction tandis que ceci ne correspond pas complètement à la réalité économique, était-elle alors justifiée ?

La jurisprudence peut-elle encore évoluer sur ce point ? Selon mon opinion, une telle évolution de la jurisprudence serait contra legem car en contradiction avec le texte de l’article 20 du Code de Procédure Pénale, et le législateur devra donc intervenir.

Il pleut à Paris. Va-t-il bientôt pleuviner à Bruxelles?

Patrick Waeterinckx, Avocat barreau d’Anvers et de Gand, Conférencier Vrije Universiteit Brussel, Registered Fraud Auditor


Une contribution académique (en néerlandais) plus élaborée concernant cette problématique avec le titre “Het regent in Parijs, zal het weldra druppelen in Brussel? Het verval van de strafvordering voor de rechtspersoon, toegespitst op het geval van de herstructurering van de rechtspersoon door ontbinding zonder vereffening” paraîtra ultérieurement dans le livre du “Themacollege Ondernemingsstrafrecht 2021-2022” de l’Université d’Anvers.


Références

[1] CEDH(5ème section) nr. 37858/14, 1er octobre 2019 (CARREFOUR France / France), § 47-48.

[2] CdJ 5 (5ème Ch) , nr. C-343-15, le 5 mars 2015 (Modelo Continente Hipermercados SA / Autoridade para as Condições de Trabalho – Centro Local do Lis (ACT)), § 35.

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