19 Jun 2020 | Corporate & Accountancy

La Cour de Justice de l’Union européenne consacre le libre choix du conseil en médiation par l’assuré

Par Jubel

Opgelet: dit artikel werd gepubliceerd op 19/06/2020 en kan daardoor verouderde informatie bevatten.

La Cour constitutionnelle a été saisie, par l’O.V.B. et l’O.B.F.G., d’un recours en annulation contre l’article 2 de la loi du 9 avril 2017 modifiant la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances et visant à garantir le libre choix d’un avocat ou de toute autre personne ayant les qualifications requises par la loi applicable à la procédure pour défendre ses intérêts dans toute phase judiciaire, dans le cadre d’un contrat d’assurance protection juridique.

En substance, les parties requérantes critiquent la loi en ce qu’elle ne garantit pas, dans le cadre d’un contrat d’assurance protection juridique, le libre choix de son conseil par l’assuré qui choisit de recourir à un processus de médiation.

Par son arrêt n° 136/2018 du 11 octobre 2018[1], la Cour constitutionnelle a posé la Cour de Justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :

« La notion de « procédure judiciaire » visée à l’article 201, paragraphe 1, a), de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle inclut les procédures de médiation extrajudiciaire et judiciaire prévues par les articles 1723/1 à 1737 du Code judiciaire belge ? »

L’article 201, §1er, a) de la directive 2009/138/CE prévoit la liberté de l’assuré de choisir son avocat ou une personne bénéficiant des qualifications appropriées en vertu du droit national pour le défendre, le représenter ou servir ses intérêts « dans une procédure judiciaire ou administrative ». La Cour constitutionnelle a donc interrogé la Cour de Justice de l’Union européenne pour savoir si les procédures de médiation judiciaire et extrajudiciaire telles qu’organisées par le Code judiciaire belge, doivent être inclues dans la notion de « procédure judiciaire » au sens de cette disposition.

Par son arrêt du 14 mai 2020 rendu dans l’affaire C-667/18, la Cour de Justice de l’Union européenne a répondu par l’affirmative à cette question.

Dans son arrêt, la Cour commence par rappeler que l’objectif poursuivi par la directive 2009/138 en général et par son article 201 en particulier est de protéger de manière adéquate les intérêts des assurés. Elle rappelle également que « la portée générale et la valeur obligatoire qui sont reconnues au droit de choisir son avocat ou son représentant s’opposent (…) à une interprétation restrictive de l’article 201, paragraphe 1, sous a), de ladite directive » (§26). La Cour souligne que, de manière similaire à sa jurisprudence concernant l’interprétation des termes « procédure administrative », « la notion de « procédure judiciaire » ne saurait être limitée ni aux seules procédures non administratives se déroulant devant une juridiction proprement dite ni en opérant une différenciation entre la phase préparatoire et la phase décisionnelle d’une telle procédure. Ainsi, toute phase, même préliminaire, susceptible de déboucher sur une procédure devant une instance juridictionnelle doit être considérée comme relevant de la notion de « procédure judiciaire » au sens de l’article 201 de la directive 2009/138 » (§31).

Plus particulièrement concernant les processus de médiation judiciaire et extra-judiciaire tels qu’organisés par le Code judiciaire, la Cour constate :

  • d’une part, que la médiation judiciaire représente une phase de la procédure judiciaire engagée devant une juridiction, laquelle est en principe liée par l’accord de médiation éventuellement obtenu par les parties. La Cour estime qu’il en résulte que « dans ces conditions, considérer que cette médiation ne constitue pas, elle aussi, aux fins de l’article 201 de la directive 2009/138, une « procédure judiciaire » au sens de cet article, priverait, pour cette seule phase, l’assuré de son droit de choisir son avocat ou son représentant. Or, il ne saurait être contesté que l’assuré a besoin d’une protection juridique lors de la phase qui, une fois entamée, fait partie intégrante de la procédure devant la juridiction qui l’a ordonnée.» (§33),

et

  • d’autre part que le fait que la médiation extra-judiciaire « n’intervienne pas devant une juridiction ne permet pas non plus de l’exclure de la notion de « procédure judiciaire » au sens de l’article 201 de la directive 2009/138 » dès lors qu’elle est susceptible d’aboutir à un accord entre parties pouvant, à la demande même d’une seule d’entre elles, être homologué par une juridiction ; cette dernière étant dans ce cas liée par l’accord intervenu dans le cadre de la procédure de médiation (sous réserve du respect de l’ordre public et de l’intérêt des enfants mineurs) (§§ 34-35) ;

La Cour, après avoir constaté que « l’accord auquel les parties parviennent, qu’il résulte d’une médiation judiciaire ou extrajudiciaire, a pour conséquence de lier la juridiction compétente qui procède à son homologation et présente, après avoir acquis force exécutoire, les mêmes effets qu’un jugement », souligne que « dans le cadre d’une procédure qui est susceptible de fixer définitivement la position juridique du preneur d’assurance, sans qu’il ait de possibilité réelle de modifier cette position au moyen d’un recours juridictionnel, le preneur d’assurance a besoin d’une protection juridique et, compte tenu des effets de l’homologation de l’accord résultant de la médiation, les intérêts du preneur d’assurance qui a eu recours à la médiation seront mieux protégés s’il peut se prévaloir du droit au libre choix du représentant prévu à l’article 201 de la directive 2009/138, à l’instar du preneur d’assurance qui s’adresserait directement au juge. » (§§ 36 et 38).

La Cour relève en outre que la définition particulièrement large du champ d’application de la section de la directive 2009/138 relative à l’assurance protection juridique – définition reprise à l’article 198 de ladite directive  – confirme qu’il y a lieu d’interpréter largement les droits des assurés prévus par cette section (§§ 39-40).

Enfin, après avoir relevé que le droit de l’Union lui-même encourage le recours aux procédures de médiation, la Cour souligne qu’il serait « incohérent que le droit de l’Union encourage l’utilisation de telles méthodes et restreigne, dans le même temps, les droits des justiciables qui décident de se prévaloir de ces méthodes » (§41).

La Cour conclut dès lors en disant pour droit que « l’article 201, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/138 doit être interprété en ce sens que la notion de « procédure judiciaire » visée à cette disposition inclut une procédure de médiation judiciaire ou extrajudiciaire dans laquelle une juridiction est impliquée ou susceptible de l’être, que ce soit lors de l’engagement de cette procédure ou après la clôture de celle-ci » (§42) et consacre ainsi le libre choix d’un conseil en médiation pour les parties souhaitant recourir à ce mode alternatif de règlement des conflits dans le cadre d’une assurance protection juridique.

L’on rappellera brièvement, concernant les contours du libre choix d’un avocat, que la FSMA indique que ce libre choix de l’avocat implique notamment que « l’assuré a le droit de désigner lui-même la personne qui va défendre ses intérêts » et que ce n’est que « s’il le demande expressément » que « l’assuré peut choisir un avocat dans une liste fournie par l’assureur ou par l’assureur et le bureau de règlement de sinistres » sans que l’assuré ne puisse y être obligé[2]. Le protocole d’accord signé le 3 novembre 2011 entre les assureurs de protection juridique affiliés à Assuralia, l’O.V.B. et l’O.B.F.G. prévoit également que « l’assureur ne fait à ce sujet de suggestion que sur demande expresse de l’assuré »[3]. Enfin, le libre choix d’un avocat implique également qu’il ne pourrait être admis qu’une compagnie d’assurance offre un plafond d’intervention supérieur et évite l’application d’une franchise contractuelle aux assurés qui choisissent leur avocat sur une liste d’avocats préalablement approuvés par l’assureur. En effet, ce faisant « l’assureur s’arroge une prérogative qui ne lui est pas accordée par la règlementation, mais, qu’au contraire, l’assureur doit garantir à l’assuré. »[4].

A notre estime, le droit au libre choix d’un conseil devrait s’appliquer de la même manière dans le cadre d’une médiation.

Clémentine Caillet & Emmanuel Jacubowitz – Avocats et médiateurs agréés (Xirius Public)

***

Références:

Vous trouvez le lien vers l’arrêt de la CJUE ici.

[1] Pour une analyse de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, de la loi belge et de la plus-value de l’assistance d’un avocat dans le cadre d’une médiation, lire J.-F. Jeunehomme, J. Wildemeersch et B. Lecarte, L’assurance protection juridique, Limal, Anthémis, 2020, pp. 105 et s.

[2] Circulaire sur l’assurance protection juridique 2010/22 de la CBFA (aujourd’hui FSMA) du 19 octobre 2010 (https://www.fsma.be/sites/default/files/public/cbfa_2010_22_fr.pdf ).

[3] https://www.assuralia.be/images/docs/werking-verzekering_fonctionnement-assurance/Protocol_FR_2011.pdf

[4] Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles, 11 septembre 2019, J.L.M.B., 2019, p. 2011 cité par J.-F. Jeunehomme, J. Wildemeersch et B. Lecarte, L’assurance protection juridique, Limal, Anthémis, 2020, pp. 107 et 109.

 

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