Le président Trump a signé son « One Big Beautiful Bill » (OBBB) le 4 juillet 2025, une loi qui introduit des réformes radicales en matière de taxation des personnes physiques et des sociétés. Cette loi touche les particuliers comme les entreprises et a des conséquences importantes pour les investisseurs étrangers. Quels sont les principaux changements ?
Section 899 – Pénalité sur les « taxes étrangères injustes »
L'un des changements les plus marquants est l'augmentation de la taxe fédérale américaine sur les revenus de source américaine pour les sociétés ou les particuliers étrangers issus de « pays étrangers discriminatoires ». A savoir des pays qui, selon les États-Unis, imposent des « taxes injustes » aux entreprises américaines.
La définition des « taxes injustes » est large et comprend notamment la taxe sur les services numériques (DST), la taxe sur les bénéfices détournés (DPT) et, élément crucial pour les groupes belges et non américains, la mesure relative aux bénéfices insuffisamment imposés (UTPR) dans le cadre de l'initiative Pillar 2 de l'OCDE.
Les revenus concernés sont notamment :
- les distributions de dividendes provenant des États-Unis ;
- les paiements d'intérêts provenant des États-Unis ;
- les royalties provenant des États-Unis ;
- les transferts de bénéfices des filiales américaines.
L'augmentation des taux de taxation applicables aux impôts à la source concernés est progressive, commençant par une taxe supplémentaire de 5 % la première année, pour atteindre un taux maximal de 20 % sur les revenus concernés (par exemple, les revenus normalement imposés à 30 % peuvent être imposés à 50 % sur quatre ans). Cette augmentation s'ajoute aux taux généralement réduits prévus par les conventions de double imposition.
Ces impôts à la source peuvent ne pas relever des exceptions prévues par les conventions de double imposition. Dans certains cas, le cadre fiscal belge peut offrir une solution partielle via un mécanisme de crédit d'impôt étranger (sous certaines conditions et jusqu'à concurrence de maximum 15 %).
Qui est concerné ?
La mesure s'applique à un large éventail d’entités étrangères (c'est-à-dire belges) :
- Les groupes non américains ayant des filiales américaines.
- Les personnes physiques étrangères détenant des actions dans des sociétés américaines.
- Les structures financières étrangères ayant des intérêts aux États-Unis.
- Les gouvernements étrangers et les fonds souverains (les nouvelles règles peuvent également limiter l'exonération fiscale des fonds d'investissement souverains).
Exception : les entités étrangères détenues majoritairement par des résidents américains échappent au champ d'application.
Autres mesures
Extension de la taxe BEAT (Base Erosion and Anti-Abuse Tax)
La loi propose également un régime BEAT renforcé, appelé Super BEAT. Il s'applique spécifiquement aux multinationales des pays visés par la Section 899. La proposition prévoit une augmentation du taux BEAT de 12,5 % à 14 %, ce qui pourrait entraîner des taux d'imposition effectifs supérieurs à 100 % pour les filiales américaines d'entreprises non américaines. Même les PME belges actives aux États-Unis pourraient ainsi être soumises au régime BEAT. Elles seraient confrontées à une augmentation de la charge fiscale et à des obligations administratives considérables.
Taux réduits GILTI (Global Intangible Low-Taxed Income – revenus mondiaux liés à des actifs incorporels faiblement taxés) et FDII (Foreign-Derived Intangible Income – revenus de source étrangère liés à des actifs incorporels)
L'OBBB prévoit une réduction permanente des taux applicables aux revenus de type Global Intangible Low-Taxed Income (GILTI) et Foreign-Derived Intangible Income (FDII). En outre, l'amortissement exceptionnel de 100 % pour certains actifs est réintroduit et un régime d'amortissement accéléré pour les dépenses de R&D aux États-Unis est instauré sous certaines conditions. Il s’agit d’un avantage certain pour les entreprises belges qui réalisent des activités de R&D aux États-Unis ou qui investissent dans des actifs aux États-Unis.
Limitation de la déductibilité des intérêts
Les règles relatives à la déduction des intérêts changent également. La déductibilité des intérêts peut sortir gagnante, dans certains cas, de l’application d’un nouveau mode de calcul qui ne tient pas compte des amortissements. Les groupes belges ayant des activités aux États-Unis peuvent ainsi bénéficier d'un avantage fiscal.
Mesures douanières et commerciales
L’OBBB supprime également l'exonération actuelle de 800 dollars sur les envois commerciaux de faible valeur. Cette mesure s'inscrit dans le prolongement des mesures protectionnistes prises précédemment par les États-Unis à l'encontre de pays tels que la Chine et Hong Kong. Les exportateurs belges se voient confrontés à une augmentation des frais de douane et à des obligations administratives supplémentaires.
Quelles sont les conséquences pour les entreprises belges ?
La réforme fiscale de l'OBBB augmente l'impôt américain sur les revenus d'investissement provenant de « pays étrangers discriminatoires », dont la Belgique, par le biais d'une retenue à la source supplémentaire pouvant atteindre 50 %. Ces mesures touchent les entreprises, les investisseurs et les gouvernements étrangers ayant des intérêts aux États-Unis et ne pourront probablement pas être évitées par des conventions de double imposition. Le Super BEAT et les modifications des règles douanières ajoutent encore à la complexité. Faites analyser l'impact sur votre entreprise, optimisez votre structure si nécessaire et préparez-vous à d'éventuels contrôles fiscaux.
Stephanie Vanmarcke et Maxim Cassiers – Vandelanotte
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