Pour un acces libre aux banques de donnees juridiques destinees aux avocats

31 Jan 2022 | Column

Pour un acces libre aux banques de donnees juridiques destinees aux avocats

Par Jubel

Opgelet: dit artikel werd gepubliceerd op 31/01/2022 en kan daardoor verouderde informatie bevatten.

Isabelle Ekierman, Avocat


Vers une justice outillée ! Il n’y a pas si longtemps, toute la législation ainsi que la jurisprudence publiée étaient disponibles dans les bibliothèques des Palais de justice et du ministère de la Justice. Les avocats s’y rendaient pour consulter cette mine inépuisable.

Aujourd’hui, il n’est plus un avocat qui ne soit confronté quotidiennement à consulter numériquement, depuis son ordinateur, une source de données juridiques pour savoir si ce qu’il croit est exact ou ne l’est pas.

Depuis la loi, normalement consultable sur les sites officiels du Moniteur Belge et de Belgiquelex, jusqu’à la doctrine ou la jurisprudence publiées dans des revues spécialisées, le chemin est parsemé d’embûches liées à la souscription ou non d’abonnements auprès d’éditeurs spécialisés, détenteurs du savoir universel[1].

Et même lorsque les abonnements ont bien été souscrits, il n’est pas rare que les avocats se retrouvent face à un écran facétieux qui leur explique que le document recherché nécessite un upgrade, une autre version du logiciel ou un payement complémentaire en ligne.

En un mot : le parcours du combattant.

En face de cela et à armes inégales, l’ensemble des magistrats reçoit, par l’intermédiaire du ministère de la Justice, un accès gratuit et total à l’ensemble des abonnements proposés par tous les éditeurs du marché.

La confrontation est donc particulièrement difficile à la barre entre le magistrat, équipé des dernières publications, recherches doctrinales et jurisprudence récentes, et l’avocat lambda incapable d’investir des montants importants (entre 5 et 20.000 euros par an) pour jouer à armes égales.

En Belgique, il y a trois fournisseurs de Banques de données principaux[2]: Anthémis, Larcier et Wolters Kluwer. Tous trois proposent un accès à différentes sources officielles et éditoriales au travers d’un moteur de recherche qui leur est spécifique.

Jurisquare – Anthemis, La Charte et Intersentia

Accès via le moteur de recherche Jurisquare à 2.871 références de la base de données (soit 2.716 ouvrages et 155 revues ou 1.869 références en Néerlandais, 958 en Français et 44 en Anglais). Pour y accéder, un abonnement à chaque revue en question est nécessaire.

Strada de Larcier

Accès via le moteur de recherche Strada Lex à plus de 2.5 millions de documents que ce soit dans des sources officielles, les Codes, le Répertoire Notarial, les revues et les livres suivant des abonnements modulables.

Source : https://www.stradalex.com/fr/sl_src_publ

Jura de Wolters Kluwer

Accès, via le moteur de recherche JURA à la consultation d’une sélection d'articles provenant de 40 revues juridiques ainsi que le contenu de plus de 500 ouvrages de référence mises à jour ainsi qu’à de courtes vidéos didactiques, destinées à améliorer la navigation suivant différents types d’abonnements.

Source : https://www.wolterskluwer.com/fr-be/solutions/jura/jura-content

Ce qui distingue essentiellement les éditeurs, c’est le contenu de la doctrine qui est choisie par chacun.

La tarification des abonnements n’est généralement pas accessible ni en ligne ni par téléphone ; tous les éditeurs ont la même réponse : une offre sera proposée après examen de la demande, en fonction du nombre d’utilisateurs au sein du cabinet et des besoins spécifiques.

A moins d’y consacrer un temps d’analyse considérable, il est dans ces conditions particulièrement très difficile pour un avocat de se faire une idée précise du caractère concurrentiel des offres et de la différence entre les produits proposés.

Il est cependant raisonnable d’affirmer qu’une souscription complète d’abonnement ne peut être envisagée à moins de 5.000 euros par utilisateur par an.

Les cabinets d’avocats dont la structure est importante (plus de 25 avocats) sont habituellement ceux qui sont les premiers clients des éditeurs et aussi les plus attrayants pour eux. Et il est fréquent que les cabinets d’avocats de ce type souscrivent des abonnements auprès de l’ensemble des éditeurs et pour l’offre la plus large.

Dans ces conditions, la situation des avocats isolés ou en petite structure peut d’avérer délicate face aux adversaires disposant des accès élargis et face aux magistrats pour les raisons précédemment évoquées.

Un argument souvent avancé pour justifier ce type de discrimination entre avocats consiste dans le fait que les bibliothèques des barreaux disposent quant à elles des accès aux banques de données et que rien n’empêche les avocats d’y recourir.

Cependant, l’on conviendra que les déplacements en bibliothèque ne sont pas très tendance, à l’heure du télétravail et des consignes sanitaires.

Dès lors, pourquoi ne pas mutualiser au sein des ordres l’accès aux banques de données juridiques ?

Plusieurs tentatives ont été menées par le passé notamment dans divers barreaux wallons (notamment ceux de Mons/Tournai, Liège/Huy/Verviers et Dinant ) avec un seul éditeur et pour des périodes variées.

Cependant aucun accord n’est intervenu à l’échelon de Bruxelles (qui regroupe plus de 8.000 avocats), à l’échelle régionale (Avocat.be compte près de 10.000 avocats et l’OVB regroupe aussi environ 8.000 avocats) ou nationale ( plus de 18.000 avocats).

Comment expliquer qu’une solution globale n’ait jamais été recherchée alors que les avantages pour tous et chacun sont évidents :

Pour les éditeurs, il est clair qu’avoir accès à l’ensemble d’une profession en tant que client leur permettrait de faire un cross-selling sur les produits spécifiques à chacun (formations, ouvrages, séminaires, logiciels). Il est fort probable que cette manière de travailler facilitera grandement les aspect administratifs, techniques et comptables dans le chef des fournisseurs. En outre la souscription de contrats à long terme (3 ans par exemple) offrirait une sécurité inespérée pour des éditeurs perpétuellement confrontés à la problématique des renouvellement et de la concurrence et soucieux de stabiliser, voire d’augmenter graduellement leurs revenus.

De surcroît, la souscription, via les ordres simplifierait considérablement la gestion logistique de la facturation et générerait donc une économie importante.

Les éditeurs déjà approchés semblent partager totalement ce point de vue.

Pour les ordres, cela signifie qu’ils joueraient tout à fait leur rôle de facilitation, coordination et professionnalisation auprès de l’ensemble de leurs membres. Ceux-ci coordonneront la souscription auprès des fournisseurs avec qui ils définiront le processus de gestion des accès et de facturation.

Pour les avocats:

  1. Il est important que les jeunes (qui en qualité d’étudiants en droit bénéficient d’un accès gratuit à ces BD), lorsqu’ils se lancent, puissent directement travailler avec les outils les plus perfectionnés afin d’assurer une qualité de service à l’ensemble de la clientèle.
  2. Un avocat, lorsqu’il quitte un grand cabinet qui lui offre ces accès se trouvera dans la même situation. Le prix des abonnements peut être rébarbatif.
  3. Pour tous, avoir un accès complet à ces BD représenterait une connaissance commune partagée, un même accès au savoir qui permettrait de diminuer le risque de sinistre suite à des fautes professionnelles.
  4. On pourrait croire que les grands bureaux disposent d’un avantage concurrentiel dès lors qu’ils disposent de ces accès. Or, dans l’intérêt de la profession, permettre que chacun ait accès aux meilleurs outils élèvera sans conteste le niveau des débats. Cela représenterait en fait une opération blanche pour les gros cabinets qui joueront le jeu de la solidarité.
  5. Cela permettrait de donner aux avocats, peu importe leurs revenus, les mêmes chances de bien défendre leurs clients, permettrait une meilleure et plus rapide rédaction (informée) des conclusions et une résolution plus rapide des dossiers.
  6. Cela pourrait à terme, contribuer au désengorgement des juridictions dans la mesure où tous les avocats, ainsi que les magistrats auraient accès aux mêmes informations.
  7. Un désengorgement et un traitement plus rapide des arriérés ramènerait la confiance des citoyens dans le système judiciaire.

En France, les avocats n’ont pas véritablement d’accès gratuit…, mais une bibliothèque de droit a été créée par Emmanuel Pierrat et est accessible à tous les avocats ainsi que toutes les décisions ayant trait à la déontologie.

Les notaires, quant à eux, ont négocié des accès pour toute la profession.

On ne comprend dès lors pas, alors que les intérêts économiques peuvent rencontrer l’intérêt général pourquoi des initiatives n’ont jamais été prises à grande échelle.

C’est dans ce contexte que des pourparlers pourraient être entamés, via les ordres, à l’échelon bruxellois, régional voire national, afin que les interlocuteurs prennent conscience de l’intérêt évident de mettre à la portée de tous l’accès à la connaissance dans des conditions qui seraient profitables à chacun.

Les avocats témoigneraient ainsi d’une véritable solidarité et leur image ne pourrait qu’en être améliorée.

[1] Pour l’avoir rassemblé, analysé, indexé et organisé dans leurs bases de données.

[2] Par ordre alphabétique

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