Les interprètes dénoncent des situations intolérables au sein de la Justice

Par Jubel

Opgelet: dit artikel werd gepubliceerd op 19/09/2017 en kan daardoor verouderde informatie bevatten.

A l’ouverture de la nouvelle année judiciaire, les interprètes et traducteurs judiciaires demandent un traitement plus juste et égal en ce qui concerne les conditions de travail. L’organisation professionnelle reconnue l’Union professionnelle des traducteurs et interprètes assermentés (UPTIA) a soumis le système d’indemnisation, actualisé depuis le début de 2017 par le ministre de la Justice Koen Geens, à une évaluation. L’arrêté royal fixant les tarifs des prestations des traducteurs et interprètes en matière répressive est formellement entré en vigueur (tarifs, calcul) le 1er janvier 2017 avant que toutes les mesures d’encadrement aient été mises au point, une situation qui est encore toujours source de confusion et d’incertitude pour le secteur.

Travail de nuit et de week-end : les interprètes le pigeons, les avocats privilégiés

L’UPTIA a comparé la définition de la nuit, du week-end et des jours fériés pour les interprètes en matière répressive et pour les avocats commis d’office. La loi Salduz bis prévoit que toutes les personnes entendues comme suspectes – aussi en dehors des heures ouvrables – puissent être assistées d’un avocat et si nécessaire d’interprète à chaque audition. Depuis le début de cette année-ci le double tarif de nuit n’est plus d’application qu’entre 22 h et 6 h (au lieu de 20 à 8 h). Le supplément pour les prestations du samedi entre 6 h et 22 h est de 50 %. Le tarif est seulement doublé pour les prestations lors de dimanches et de jours fériés légaux (de minuit jusque minuit).

Pour les prestations effectuées par les avocats chargés de l’aide juridique de deuxième ligne partiellement ou complètement gratuite 1  la nuit – avec double tarif – débute à 19 heures et se poursuit jusqu’à 7 heures. Le week-end pour ces avocats – avec double tarif à tout temps – débute le vendredi soir à 19 heures et se termine le lundi matin à 7 heures. Un jour férié pour les avocats débute déjà le soir qui le précède à 19 heures et se poursuit jusqu’au matin qui le suit à 7 heures (une durée de 36 heures, comparé à seulement 24 heures pour les interprètes!).

L’Union professionnelle des traducteurs et interprètes assermentés demande que le ministre de la Justice remédie le plus vite possible à cette situation intolérable, dans laquelle un interprète est clairement moins apprécié qu’un avocat.

La justice elle-même n’utilise pas les logiciels de traduction pourtant payés chères

L’arrêté royal fixant les tarifs actualisés est aussi critiqué fortement sur d’autre plans, en particulier en ce qui concerne les tarifs des prestations des traducteurs. Dans le Rapport au Roi accompagnant l’arrêté royal on explique étonnamment qu’une différenciation du tarif élimine la discrimination. Le tarif le plus bas à savoir la traduction du français en néerlandais et vice versa est justifié par le grand nombre de traductions demandées. Ces volumes importants permettraient aux traducteurs d’investir dans des programmes performants de traduction assistée par ordinateur (TAO), qui multiplieraient considérablement les performances de traduction.

L’UPTIA souligne que d’autre part il s’avère que des traducteurs statutaires salariés par la Justice, qui en outre n’effectuent que des traductions du français au néerlandais et vice versa, dans la pratique n’utilisent pas de logiciel de traduction. Il s’agit du service de la concordance des textes auprès de la Cour de Cassation. Pour les dix traducteurs du service, huit licences ont été payées afin d’équiper les ordinateurs du service, mais le logiciel ne fonctionne pas. Il manque une personne pour apprendre à ce logiciel à travailler. 2 Un service public qui attend de ces collaborateurs indépendants qu’ils investissent dans du logiciel de traduction, n’arrive même pas à organiser pour ses propres fonctionnaires l’utilisation efficace des licences payés chères. Alors qu’à la Cour de Cassation on comptabilise pas moins de 12 mois de retard dans les traductions du français au néerlandais. De nouveau un bel exemple d’inefficacité et de mauvaise gestion.

Le recours à des bureaux de traduction externes pour les audiences pénales

Le représentant du peuple Stefaan Van Hecke (Ecolo-Groen) a interpellé le ministre de la Justice Koen Geens à propos du recours à des bureaux de traduction externes pour les audiences pénales, des pratiques signalées par l’UPTIA. En réponse le ministre de la Justice a avoué que lorsqu’un interprète de langue allemande s’avère nécessaire dans un parquet ou à l’audience du tribunal, certains greffes externalisent cette tâche vers un bureau de traduction qui fait appel à des interprètes free-lance 3. Cette pratique que des entreprises privées sollicitent des interprètes jurés pour des audiences pénales, est assez surprenante, sachant que cela fait normalement partie des attributions du ministère public ou du greffe.

Les bureaux de traduction ne sont pas rémunérés selon le tarif légal appliqué aux prestations de traduction et d’interprétation en matière répressive pour leur aide en la matière. Il n’existe aucune base légale pour ce type de rémunération. Selon le ministre un tarif plus élevé peut être appliqué lorsqu’il a été préalablement approuvé et solidement justifié par le magistrat. Il n’est pas clair dans quelles conditions un bureau de traduction peut être sollicité en vue du recrutement d’interprètes pour des audiences pénales. L’UPTIA demande qu’une enquête indépendante soit menée concernant ces pratiques douteuses et inacceptables.

Un problème structurel

Ces pratiques montrent néanmoins que l’offre/la disponibilité d’interprètes est profondément lacunaire, y compris pour les langues les moins exotiques. Il s’agit d’un problème structurel. Les tarifs désespérément bas font qu’un nombre toujours plus important d’interprètes et traducteurs ne veulent plus travailler pour la Justice. Il est tout simplement honteux que les autorités belges ne parviennent pas ou à peine à trouver des interprètes – même pour notre troisième langue officielle et celle de notre plus important partenaire commercial. C’est un comble dans la capitale de l’Europe car Bruxelles compte probablement la plus forte concentration d’interprètes au kilomètre carré en Europe, voire peut-être dans le monde. Le fait de sous-estimer ce problème et de devoir, ensuite, chercher des solutions de secours pèse encore plus lourd sur les finances de l’État et de la société. Dans les cas les plus urgents, des interprètes doivent venir de l’étranger ou des membres du personnel de l’ambassade sont requis par les juges d’instruction comme interprètes occasionnels.

En réponse à une question du représentant du peuple Kattrin Jadin (MR) le ministre Koen Geens a confirmé que le SPF Justice sous-traite aussi certaines traductions écrites, y compris des missions dans le cadre de la coopération internationale en matière pénale, à un bureau de traduction 4.

Des tarifs corrects et conformes aux marchés

L’UPTIA espère que le ministre Koen Geens prendra à bras le corps ce nième affront pour la Justice pour enfin rémunérer les interprètes et les traducteurs en matière répressive à des prix corrects et conformes aux marchés. Des tarifs plus intéressants ne feraient en outre qu’augmenter le nombre de traducteurs et d’interprètes qui envisageraient d’accepter des missions pour la Justice. Cela ne peut que profiter à l’appareil judiciaire dans son ensemble.

Des actions sont possibles

L’UPTIA demande une nouvelle concertation avec le cabinet du ministre Geens et le SPF Justice en vue d’une révision approfondie du système d’indemnisation. Si cette concertation ne débouche sur rien, des actions d’interprètes judiciaires sont possibles, comme par exemple un appel au boycott des auditions de police et des comparutions devant le juge d’instruction en soirée et le samedi.  Vu le grand nombre d’affaires nécessitant l’intervention d’interprètes, une entrave au fonctionnement de la Justice dans les affaires pénales n’est pas à exclure.

 

1) http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body.pl?language=fr&pub_date=2016-08-10&numac=2016009402&caller=summary

2) http://www.dekamer.be/kvvcr/showpage.cfm?section=qrva&language=fr&cfm=qrvaXml.cfm?legislat=54&dossierID=54-B107-866-1703-2016201714463.xml

3) http://www.dekamer.be/kvvcr/showpage.cfm?section=qrva&language=fr&cfm=qrvaXml.cfm?legislat=54&dossierID=54-B099-866-1516-2016201712821.xml

4) http://www.dekamer.be/kvvcr/showpage.cfm?section=qrva&language=fr&cfm=qrvaXml.cfm?legislat=54&dossierID=54-B110-866-1753-2016201714943.xml

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