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31 Aug 2022 | Management & Deontology

Juriste d’entreprise, un métier qui gagne à être connu

Par IJE-IBJ

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Parmi les professions juridiques règlementées (avocat, magistrat, notaire, huissier, juriste d’entreprise), le métier de juriste d’entreprise apparaît comme le plus méconnu auprès des étudiants en droit, même si cela tend à changer. Comment continuer à inspirer ce choix de carrière aux futurs juristes ? L’Institut des juristes d’entreprise (l’IJE) a réuni autour de la table David Renders (professeur de droit administratif à l’UCLouvain et Vice-doyen aux relations avec les milieux professionnels), Donovan Sheppard (juriste d’entreprise chez Mastercard et membre du Conseil de l’IJE) et Manon Mortelette (étudiante en Master 2 de droit à l’UCLouvain) pour répondre à cette question et explorer de nouvelles pistes de réflexion.

Rendre les juristes d’entreprise plus visibles

Les débouchés des études de droit sont nombreux et l’UCLouvain désire présenter à ses futurs diplômés toutes les options qui s’offrent à eux. C’est pourquoi des juristes d’entreprise ont intégré le corps professoral et sont régulièrement invités dans les auditoires afin de parler de leur métier aux jeunes. Ce n’était pas le cas il y a 10 ans, affirme Donovan Sheppard : « Nous avions eu la visite d’un avocat, d’un juge d’instruction mais d’un juriste d’entreprise, jamais ! ».

Les témoignages de professionnels ont d’ailleurs donné l’envie à Manon Mortelette de découvrir plus en profondeur cette filière via un stage en entreprise durant un mois et demi, et pourquoi pas, d’y faire carrière.

Le barreau ou l’entreprise ?

« Tous les juristes que j’ai côtoyés pendant mon stage m’ont conseillée de faire d’abord le barreau. D’ailleurs ils et elles l’ont tous fait » rapporte Manon. Pourtant, le barreau ne serait plus vu comme un passage obligé par les étudiants de 2022. « Au sein de mes camarades, ils sont nombreux à vouloir tout de suite devenir juriste d’entreprise » précise-t-elle. Une évolution que Donovan Sheppard met en lien avec la volonté de la nouvelle génération de trouver rapidement un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

« Les étudiants sont en quête de sens et de qualité de vie. Ce n’est pas la rémunération qui les intéresse le plus » observe D. Renders.

Un constat que rejoint Manon : « un ami a suivi un stage dans un très gros cabinet d’avocats d’affaires international. Il faisait des horaires de dingue et s’est rendu compte que ça ne correspondait pas du tout à ses aspirations » raconte-t-elle. « Loin de moi l’idée que les juristes d’entreprise se la coulent douce mais j’ai établi une comparaison dans mon rapport de stage et il apparaît clairement qu’ils bénéficient d’un meilleur équilibre de vie que les avocats d’affaires ».

Malgré l’exigence du métier et les lourdes responsabilités que le juriste d’entreprise a, Donovan Sheppard observe également cette tendance sur le terrain. « En 10 ans de carrière, j’ai vu de plus en plus d’hommes et de femmes qui passaient du métier d’avocat au métier de juriste d’entreprise » constate-t-il.

Autour de la table (de gauche à droite): David Renders, Manon Mortelette en Donovan Sheppard.

 
L’Institut des juristes d’entreprise nous précise toutefois que si les récentes crises (Brexit, Covid, guerre en Ukraine…) ont montré combien les juristes d’entreprise sont indispensables à la vie et la continuité des entreprises, elles ont également mis en exergue une charge de travail toujours croissante pour les juristes d’entreprise – du moins dans certains secteurs ou pour certains postes. La différence de charge de travail entre avocats et juristes d’entreprise est donc à nuancer – même si pour être juriste d’entreprise il faut, en vertu de la loi, être salarié, ce qui offre une meilleure protection que le statut d’avocat indépendant. Et du côté des cabinets d’avocats, l’on observe aussi une certaine évolution des conditions de travail et une attention croissante au « work-life balance ». Selon de nombreux juristes d’entreprise, un des atouts du métier est de pouvoir conseiller l’entreprise depuis l’intérieur, en connaissant ses produits et services, ses procédures, son personnel, sa culture et ses valeurs… et de pouvoir l’accompagner de A à Z dans les différents projets.

Quand l’expérience manque…

Si l’attractivité du métier de juriste d’entreprise augmente chez les jeunes, ceux-ci se heurtent en réalité à un obstacle encore bien présent : le manque d’opportunités d’embauche dans ce secteur à la fin de leurs études, qui contraste avec les nombreux postes vacants pour les juristes d’entreprise expérimentés. « Le besoin de recrutement est plus faible et plus ponctuel dans les entreprises que dans les gros cabinets d’avocats. Engager un jeune diplômé prend du temps car il faut le former. Alors que s’il a fait le barreau avant, les bases sont là. Il y a encore du boulot du côté des entreprises pour accepter les jeunes diplômés » admet Donovan Sheppard. « J’ai participé à un Job Day avec l’IJE il y a 5 ans. Nous avons eu un énorme afflux d’étudiants à notre stand. Ils nous disaient : “Enfin quelqu’un qui propose de faire autre chose qu’avocat, juge et huissier” mais par contre, après, c’était la douche froide : nous n’avions aucun job à leur proposer ! » raconte-t-il. L’UCLouvain met tout en œuvre pour inviter des juristes d’entreprise à son Job Day annuel mais ils sont très peu à répondre à l’appel et à accepter de dégager du temps pour cet événement.

« Peut-être que la présence de l’IJE au Job Day pourrait être accompagnée d’une délégation d’entrepreneurs de petites, moyennes et grandes entreprises pour aller à la rencontre des étudiants ? » suggère David Renders.

« De l’autre côté, il serait également pertinent d’organiser des ateliers pratiques, sous forme de workshops, en Legal Design ou communication par exemple, afin que les étudiants développent davantage de soft skills utiles à leur mise sur le marché » renchérit Donovan Sheppard. Deux idées tout à fait pertinentes et faisables méritant, selon l’UCLouvain, d’être creusées.

Donovan Sheppard (juriste d’entreprise chez Mastercard et membre du Conseil de l’IJE)

 
En attendant, pour compenser le manque d’offres d’emplois de juristes d’entreprise présentées au Job Day, l’université a déjà mis plusieurs choses en place afin de mettre en avant le monde de l’entreprise. Des conférences et ateliers sur les différents métiers du droit sont organisés chaque année. Des stages de la pratique juridique sont rendus possibles en Bac 3 et Master 2. La finalité de Master « droit de l’entreprise » et l’option « création d’entreprises » (CPME), témoignent également du large éventail de cours proposés qui touchent directement ou indirectement à la vie de l’entreprise.

Devrions-nous mieux préparer l’étudiant à la sortie de ses études ?

« Lorsque je suis arrivée en stage chez Luminus, je n’ai nullement senti de lacunes par rapport à mes connaissances juridiques. Il n’y a pas un nom de clause que je ne connaissais pas et je n’ai rencontré aucun souci par rapport à la matière » affirme Manon Mortelette, qui a suivi la finalité de Master « droit de l’entreprise ».

L’UCLouvain propose en effet toute une série de cours à option qui peuvent être directement liés au monde de l’entreprise, que ce soit en termes de droit social, droit bancaire, droit fiscal, droit de l’entreprise, droits intellectuels, commerce international…

« Objectivement, je pense qu’il est difficile de proposer davantage avec les moyens dont on dispose » déclare David Renders.

« Il y a un aspect sur lequel nous souhaitons évoluer : les stages. Une meilleure connaissance de l’aspect pratique de la profession viendrait alors compléter la théorie » ajoute le Vice-doyen aux relations avec les milieux professionnels.

Donovan Sheppard abonde en ce sens et ajoute que les stages sont bien trop courts : « le stage est une opportunité en or mais leur durée de 90 heures, n’est pas suffisante pour que les entreprises puissent confier des missions intéressantes aux étudiants, surtout si ceux-ci doivent suivre leurs cours en parallèle ». L’UCLouvain précise que rien n’empêche les stagiaires de s’engager sur une période plus longue et de dépasser la durée minimum obligatoire. C’est d’ailleurs ce qu’a choisi de faire Manon Mortelette. « Le stage et les cours ne sont pas incompatibles » confirme-t-elle. La flexibilité est là. Manon Mortelette porte en tout cas un regard très positif sur son stage chez Luminus, qu’elle a pu réaliser grâce un à une collaboration entre l’UCLouvain et l’IJE.

L’UCLouvain met en effet 150 places de stage à disposition des étudiants de droit. Il n’y a jamais eu plus de demandes recevables que de places à offrir, mais l’université aimerait aller encore plus loin. Son ambition : offrir une plus grande variété de stages et faire en sorte que les étudiants Erasmus puissent aussi en profiter (et non plus devoir choisir entre ce séjour d’étude et un stage). « Via la plateforme de l’IJE, les entreprises pourraient même organiser des stages à l’étranger via des filiales dans d’autres pays » propose Donovan Sheppard.

Car certaines compétences ne s’apprennent pas sur les bancs de l’université mais sur le terrain. « C’est ce que je trouve excitant dans mon travail, je ne sais pas tout et j’apprends encore tous les jours » confie le juriste d’entreprise.

 

La maîtrise des langues…

L’UCLouvain est actuellement en train de réformer le master en droit afin d’encourager la pratique de langues étrangères auprès de ses étudiants et proposer plus de cours en néerlandais ou en anglais, explique David Renders.

« C’est quelque chose de très important et un critère de recrutement pour beaucoup d’entreprises » appuie Manon Mortelette.

Selon l’étudiante, les cours d’anglais sont déjà bien présents dans son programme universitaire mais un effort devrait être fait au niveau du néerlandais. « Il y aura davantage de néerlandais en master mais on ne veut pas faire fuir les étudiants. La situation est compliquée parce que beaucoup de francophones, souvent en région wallonne, ne sont même pas obligés de suivre des cours de néerlandais en secondaire» explique David Renders.

« Actuellement, sur une trentaine de professeurs nommés, quatre d’entre eux sont néerlandophones, ce n’est pas rien ! » ajoute-t-il. À l’étranger, les universités belges n’ont en tout cas pas à rougir de leurs alumni.

« Les deux entreprises internationales pour lesquelles j’ai travaillé étaient basées aux USA. Les profils de Belgique étaient recherchés : celui ou celle ayant étudié en Belgique maîtrise généralement plusieurs langues et, au niveau des compétences, notre pays nous force à faire des compromis » déclare D. Sheppard.

« Le fameux ‘compromis à la belge’ dont on a tendance à rire se révèle un atout sur le marché du travail ! » conclut David Renders.

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