19 May 2021 | Corporate & Accountancy

Bulle d’oxygène pour les entreprises en difficultés : simplification de la PRJ

Par Andersen

  • Andersen

    Andersen en Belgique est un cabinet d'avocats à service complet (« full service ») spécialisé en droit des entreprises, en droit immobilier et de la construction et en droit administratif. L'offre de solutions stratégiques et durables va de pair avec notre approche pragmatique axée sur le client. Nous nous engageons à réfléchir de manière créative et originale en partenariat avec nos clients pour les aider de manière ciblée, proactive et efficace à concrétiser leurs projets et à surmonter tous les obstacles rencontrés au cours du processus. Nous attachons de l'importance à nous familiariser pleinement avec l'entreprise et le secteur de notre client, ce qui nous permet de réfléchir stratégiquement ensemble. Notre portefeuille de clients et notre expertise vont des petites et moyennes entreprises aux entreprises cotées en bourse et aux entrepreneurs, actifs dans le monde entier et dans les secteurs les plus divers, ainsi que dans les services gouvernementaux et autres administrations. La diversité de notre équipe nous permet de mieux comprendre nos clients et leurs préoccupations, de les assister dans un large éventail de domaines et de fournir des services dans 8 langues différentes. Andersen est un cabinet d'avocats en évolution, toujours à la recherche d'optimisation des services et d'efficacité en utilisant les dernières technologies.

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On l’attendait depuis bientôt deux mois, voire plus : le 21 mars 2021, une loi réformant partiellement et temporairement le droit de l’insolvabilité a été votée. Cette loi intervient presque deux mois après la fin du moratoire général sur les faillites en place depuis le 28 octobre 2020 et qui prenait fin le 31 janvier dernier.

Pourquoi cette intervention législative était nécessaire

Cette intervention législative vise surtout à adapter les instruments du droit de l’insolvabilité déjà existants aux besoins des entreprises belges qui rencontrent de grandes difficultés financières suite à la crise du coronavirus.

Ces adaptations, certes temporaires, ont été rendues nécessaires suite aux nombreuses mesures de lutte contre le coronavirus qui malheureusement, ont également frappé sévèrement l’économie du pays.

Parmi l’ensemble des entreprises belges, ce sont majoritairement les PME qui souffrent le plus de problèmes de trésorerie, et leur manque de liquidités menace considérablement la poursuite de leurs activités.

La « procédure de réorganisation judiciaire », (ci-après « PRJ ») est un des mécanismes de sauvetage auquel ces entreprises doivent pouvoir recourir pour espérer dorénavant garantir leur survie. Or, cette procédure est très rigoureuse car elle requiert le dépôt d’un grand nombre de pièces justificatives, à défaut desquelles la demande de l’entreprise qui souhaite être protégée, mais qui souhaite aussi rembourser ses créanciers, ne sera pas acceptée par le tribunal.

Le législateur a ainsi décidé d’intervenir en assouplissant les exigences de la procédure, en la modernisant et en la rendant plus accessible, comme vous pourrez le constater ci-dessous.

L’introduction d’une phase préparatoire et des accords pre-pack

La loi du 21 mars 2021 apporte une grande innovation à la PRJ classique, avec l’introduction d’un nouveau concept et d’une nouvelle disposition légale.

Il est dorénavant possible d’entamer une phase préparatoire à la PRJ, qu’il s’agisse d’une PRJ par accord amiable en cas de créancier unique, ou d’une PRJ par accord collectif en cas de pluralité de créanciers. Cette phase a pour but de mener des négociations avec le(s) créancier(s) afin de tenter de dégager d’ores et déjà un (des) accord(s), le tout sous le couvert de la confidentialité. Ces accords préparatoires sont également appelés « accords pre-pack ».

Ces accords sont négociés préalablement à l’admission à la procédure de réorganisation en tant que telle, qui prendra la forme d’une « PRJ accélérée ».

Et en pratique ?

L’entreprise en difficultés demande au président du tribunal de l’entreprise la désignation d’un mandataire de justice, qui va mener les négociations et faciliter la conclusion d’un accord préparatoire.

L’entreprise doit prouver que sa continuité est menacée à court ou à long terme, et doit déposer les pièces suivantes :

  • Un historique des faits l’ayant amené à une situation financière difficile et justifiant sa demande de réorganisation judiciaire.
  • Les deux derniers comptes annuels qui auraient dû être déposés à la Banque Nationale Belge (BNB), ainsi que ceux du dernier exercice qui n’auraient pas encore été déposés, ou pour l’entreprise personne physique, les deux dernières déclarations à l’impôt des personnes physiques.

Cette phase préparatoire se déroule sous le couvert de la confidentialité afin d’éviter notamment que des créanciers tels que les banques ne dénoncent immédiatement les crédits et entrainent ainsi l’entreprise dans davantage de difficultés économiques.

Dans la procédure classique, dès le dépôt de la requête en PRJ et à tous le moins jusqu’à ce que le tribunal ait rendu sa décision, l’entreprise bénéficie d’une protection à l’encontre de ses créanciers.

Ce n’est pas automatiquement le cas pour cette procédure préalable particulière, mais durant la phase préparatoire, l’entreprise peut bénéficier d’un apurement de tout ou partie de son passif par mensualités, et/ou d’un délai supplémentaire pour payer ses dettes. 

Si le tribunal l’accorde, l’entreprise bénéfice alors d’une protection similaire à l’égard de ses créanciers, qui ne peuvent la poursuivre en justice durant une période maximale de 4 mois.

A la fin de sa mission, le mandataire de justice communique au président l’accord préparatoire « pre-pack ». Le président acte ensuite cet accord, et transmet le dossier complet au tribunal pour l’ouverture de la PRJ « accélérée ». Dès la transmission du dossier, l’entreprise bénéficie de la protection classique du sursis, c.-à-d. qu’elle ne peut être citée en faillite ou en dissolution par ses créanciers et aucune mesure d’exécution forcée (saisie et autre) ne peut être exercée à son encontre.

En temps normal, le tribunal examine la requête en PRJ dans les 15 jours de son dépôt. Il prononce ensuite son jugement dans les 8 jours de l’audience d’introduction. Si les conditions sont remplies, le tribunal déclare la PRJ ouverte et fixe la durée du sursis de maximum 6 mois.

Dans le cadre de cette PRJ accélérée, en cas de PRJ par accord amiable (un seul créancier), le tribunal ouvre la procédure endéans les 5 jours ouvrables de la transmission du dossier, et une audience est fixée dans le mois pour homologation de l’accord.

En cas de PRJ par accord collectif (plusieurs créanciers), le tribunal ouvre également la procédure de réorganisation endéans les 5 jours ouvrables, et une audience est fixée dans les 3 mois au plus tard.

C’est en raison de ces délais exceptionnellement courts, que la procédure est alors qualifiée de « PRJ accélérée ».

Des dispositions légales existantes ont été adaptées

La loi du 21 mars 2021 ne se limite pas seulement à l’introduction d’une nouvelle notion, mais adapte également diverses dispositions du droit de l’insolvabilité.

On songe à des adaptations rendues nécessaires notamment par l’exigence de distanciation sociale, et remplacées par des mesures d’ordre électronique uniquement (dépôt du rapport du juge délégué par écrit sur REGSOL, et plus oralement à l’audience), ainsi qu’à des adaptations portant sur l’allongement de certains délais (délais allongés pour l’examen d’un dossier à la chambre des entreprises en difficultés, par exemple).

Mais les adaptations majeures accomplies par le législateur porte sur la phase d’admissibilité et de recevabilité de la demande en PRJ.

Requête en PRJ et production de pièces

Normalement, la requête en réorganisation judiciaire doit être accompagnée de nombreuses pièces, prescrites à peine d’irrecevabilité. Le défaut de production de telles pièces entraine l’irrecevabilité d’office de la demande du débiteur, qui reste alors à la merci de ses créanciers et risque de se voir cité en faillite vu le défaut de paiement de ses dettes.

Depuis le 26 mars 2021, la production de cette dizaine de pièces est toujours d’actualité, mais elle n’est plus prescrite à peine d’irrecevabilité, ce qui est censé rendre la procédure plus accessible pour les PME en manque de liquidités.

L’établissement en tant que tel de ces documents engendre des coûts parfois trop importants pour l’entreprise (honoraires comptables, avocats, etc.). Ces entreprises sont déjà en manque de trésorerie, ne parviennent pas toujours à supporter le paiement de tels coûts et se retrouvent finalement dans l’impossibilité de produire les éléments requis.

En raison des mesures de lutte contre le coronavirus en vigueur depuis un peu plus d’un an, de très nombreuses PME sont inévitablement dans cette situation.

Par la loi du 21 mars 2021, le législateur lève temporairement cette sanction de l’irrecevabilité à défaut de production des pièces à fournir.

Elle offre ainsi à ces entreprises une sorte de « bulle d’oxygène », en prévoyant dorénavant que dans l’hypothèse où une entreprise se trouve dans l’impossibilité de déposer les documents requis au moment du dépôt de sa demande en PRJ, il lui est encore possible de le faire au plus tard 2 jours avant l’audience d’introduction.

Si malgré ce délai, elle n’est toujours pas en mesure de communiquer ces documents, elle doit motiver cette impossibilité, à travers une note circonstanciée reprenant les motifs d’empêchement, à déposer au plus tard 2 jours avant l’audience. Par conséquent, d’une part la sanction d’irrecevabilité est levée ; et d’autre part, la loi permet maintenant au tribunal de donner droit à la demande du débiteur, même en l’absence des pièces légalement requises.

En tout état de cause, le tribunal statue sur la demande en PRJ sur base des éléments et informations qui lui sont fournis.

Cette adaptation importante apporte à la procédure en tant que telle la souplesse attendue et annoncée, ainsi qu’un certain moratoire quant à la sanction d’irrecevabilité indiquée ci-avant.

A ce jour, en raison du coronavirus, de très nombreuses PME se retrouvent en difficultés économiques, et ne sauraient être sauvées autrement que par l’intermédiaire d’une PRJ.

Condition(s) d’ouverture d’une PRJ

La PRJ est ouverte si la continuité de l’entreprise est menacée, à bref délai ou à terme.

Depuis le 26 mars 2021, le fait que l’entreprise ait déjà fait l’objet d’une PRJ au cours des 3 dernières années ne l’empêche plus d’entamer une nouvelle procédure. Dorénavant, si l’entreprise a déjà sollicité et obtenu l’ouverture d’une PRJ endéans les 5 dernières années, la nouvelle procédure ne peut pas remettre en cause les droits des créanciers obtenus lors de la première procédure.

Vote du plan de réorganisation

En cas de PRJ par accord collectif, le tribunal fixe une audience à laquelle les créanciers vote en faveur ou non du plan de réorganisation proposé par l’entreprise.

La loi du 21 mars 2021 permet désormais que le vote de ce plan se déroule de manière électronique, pour éviter de multiplier la présence des intervenants à l’occasion d’une audience et ainsi respecter au mieux les mesures sanitaires.

Exonération fiscale

La PRJ par accord collectif permet au débiteur de négocier un plan de remboursement avec ses créanciers qui peut également porter sur un abattement limité de certaines créances.

Pour encourager le recours à la PRJ, la loi prévoit déjà le bénéfice de l’exonération fiscale en faveur des créanciers qui voient leur créance réduite dans le cadre d’accords ou collectif.

Par la loi du 21 mars 2021, cet incitant fiscal est étendu aux accords amiables négociés durant la phase préparatoire.

Dans le temps

La loi est entrée en vigueur le 26 mars 2021, sauf en ce qui concerne le dépôt du rapport du juge délégué par voie électronique, les votes électroniques des plans de PRJ par accord collectif et les modalités du vote en présentiel ou à distance.

Elle cessera d’être d’application le 30 juin 2021, mais ce délai peut être prolongé. Une évaluation est prévue au plus tard le 15 juin 2021, et à cette occasion, des pistes d’amélioration seront proposées.

Conclusion

Nous saluons bien évidemment cette nouvelles législation, qui permettra certainement de sauvegarder ces entreprises ainsi que l’économie du pays. Ces « nouvelles » dispositions sont d’application depuis peu de temps et cela ne nous permet pas encore de pouvoir tirer un enseignement pratique complet. 

Nous nous autorisons toutefois à soulever certaines remarques, en nos qualités de praticiens de l’insolvabilité.

Tout d’abord, cet assouplissement considérable signifie qu’en théorie, le tribunal pourrait accepter la demande en PRJ d’une entreprise, sans même avoir pu constater, par une comptabilité digne de ce nom, l’état financier de cette entreprise.

Le tribunal travaillerait ainsi « à l’aveugle », et serait amené à croire sur parole le débiteur de bonne foi, mais aussi malheureusement celui de mauvaise foi. Cette « lacune » législative constituerait ainsi une porte ouverte aux abus en tout genre.

D’une part, certaines entreprises qui ne rempliraient pas les conditions pour bénéficier d’une PRJ pourraient malgré tout en profiter.

Il y a véritablement un risque que la PRJ soit ainsi détournée de son objectif qui est le rétablissement de la continuité et l’aide aux entreprises en difficultés qui ont la volonté de s’en sortir, au détriment des droits des créanciers qui seront d’une manière ou d’autre lésés par l’ouverture d’une PRJ et l’obtention d’un sursis.

D’autre part, à défaut de documents attestant de l’état financier de l’entreprise et des perspectives de rentabilité, les tribunaux risqueraient de se montrer trop réticents à l’ouverture d’une PRJ et à l’octroi du bénéfice du sursis pour des entreprises qui rempliraient, dans pareilles circonstances, toutes les conditions d’admissibilité.

La pratique permettra, sans doutes, de dégager certains garde-fous à cette législation temporaire.

Une autre imperfection de la loi, que nous nous permettons de soulever concerne l’application temporaire. Ces nouvelles règles d’insolvabilité doivent avoir pour but premier et unique de sauver les entreprises qui traversent depuis un an des difficultés économiques hors proportions, qui s’aggravent de mois en mois et qui menacent de plus en plus leur viabilité. Il est donc regrettable que cette période d’application n’ait pas été d’emblée plus long et nous espérons qu’une prolongation sera envisagée lors de l’évaluation législative du 15 juin prochain. 

Vous faites partie de ces entreprises en difficultés, et souhaitez la sauvegarder pour l’avenir ?

N’hésitez pas à prendre contact avec nous. Nos praticiens du droit de l’insolvabilité et des entreprises en difficultés prendront le temps de vous écouter, de vous conseiller et de vous assister utilement dans ces démarches.

AURÉLIE GLINNE

LEO PEETERS

  • Andersen

    Andersen en Belgique est un cabinet d'avocats à service complet (« full service ») spécialisé en droit des entreprises, en droit immobilier et de la construction et en droit administratif. L'offre de solutions stratégiques et durables va de pair avec notre approche pragmatique axée sur le client. Nous nous engageons à réfléchir de manière créative et originale en partenariat avec nos clients pour les aider de manière ciblée, proactive et efficace à concrétiser leurs projets et à surmonter tous les obstacles rencontrés au cours du processus. Nous attachons de l'importance à nous familiariser pleinement avec l'entreprise et le secteur de notre client, ce qui nous permet de réfléchir stratégiquement ensemble. Notre portefeuille de clients et notre expertise vont des petites et moyennes entreprises aux entreprises cotées en bourse et aux entrepreneurs, actifs dans le monde entier et dans les secteurs les plus divers, ainsi que dans les services gouvernementaux et autres administrations. La diversité de notre équipe nous permet de mieux comprendre nos clients et leurs préoccupations, de les assister dans un large éventail de domaines et de fournir des services dans 8 langues différentes. Andersen est un cabinet d'avocats en évolution, toujours à la recherche d'optimisation des services et d'efficacité en utilisant les dernières technologies.

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