Taxe de sortie sur l'émigration des entreprises : texte approuvé par la commission des Finances cover

18 Jun 2025 | Tax & Private Equity

Taxe de sortie sur l’émigration des entreprises : texte approuvé par la commission des Finances

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L'accord de coalition du 31 janvier 2025 prévoyait que l'émigration d'une personne morale serait traitée fiscalement comme une liquidation fictive de la personne morale. Le 27 mai 2025, le gouvernement a joint le geste à la parole et a présenté un projet de loi-programme qui prévoit, entre autres, l'introduction d'une exit tax au niveau de l'actionnaire lors de l'émigration d'une personne morale. Contrairement à l'introduction de la taxe sur les plus-values, dont on ne connaît à ce jour que les grandes lignes (provisoires), un accord politique a déjà été trouvé sur l'exit tax et les projets de textes ont été déposés. Le 3 juin 2025, le projet de loi a été examiné par la commission des Finances et approuvé en première lecture. Les amendements qui contribueraient à la mise en conformité avec l'UE ont été rejetés lors de cette première lecture.

De quoi s’agit-il ?

En matière d'impôt des sociétés, il existe déjà une "exit tax", qui assimile fictivement l'émigration d’une société à sa liquidation. En vertu de cette fiction fiscale, l'impôt sur les sociétés est prélevé sur les plus-values latentes et les réserves exonérées de la société émigrante. Sur la base de la politique actuelle du Service des décisions anticipées [1] et de la jurisprudence[2] , l'émigration d'une société ne donne pas lieu aujourd'hui, en principe, à l'existence d'un dividende imposable dans le chef de son actionnaire.

Le projet de loi récemment approuvé en commission (première lecture) mettrait fin à cette situation. Suite au transfert de siège, les actionnaires seront désormais réputés percevoir un dividende de liquidation. Cette fiction s'applique d'ailleurs non seulement à la transformation transfrontalière et au transfert du siège de direction effective vers l'étranger, mais aussi aux fusions et scissions (et opérations assimilées) visées à l'article 210, §1er, 1° et 1°bis du CIR.

L'entrée en vigueur de cette mesure est prévue pour le 1er juillet 2025. Par conséquent, les opérations réalisées à partir du 1er juillet 2025 entreront dans le champ d'application de la taxe.

Qui ?

La nouvelle exit tax s'applique aux actionnaires de la société qui réalise l'une des opérations précitées. Elle s'applique à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés, à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des non-résidents.

Base imposable

Les opérations susmentionnées ne sont soumises à l'exit tax que dans la mesure où le dividende constaté porte sur des éléments qui, à la suite de l’opération, ne sont plus affectés ou maintenus en Belgique.

Selon l'exposé des motifs des projets de textes, la taxe est limitée à la croissance des réserves de la société pendant la période où elle est établie en Belgique. Cette limitation n'est pas seulement logique, elle est également nécessaire pour que la taxe soit conforme aux règles de l'UE3. Lors des débats dans la Commission Finances du 3 juin 2025, le ministre des Finances confirmait également que la taxe ne couvre que les réserves et les bénéfices accumulés au cours de la période belge. Toutefois, cela ne ressort pas clairement des projets de texte adoptés. Il en résulte une insécurité juridique qu'il conviendrait de lever en clarifiant le texte légal lui-même.

Taux et obligation de déclaration

En principe, la distribution de dividendes fictifs est soumise à un impôt de 30 %. Toutefois, dans la mesure où le dividende fictif provient de réserves de liquidation constituées antérieurement, aucun impôt supplémentaire n'est applicable, comme ce serait le cas en cas de liquidation effective. Si l'actionnaire est assujetti à l'impôt sur les sociétés, le régime RDT peut être d’application.

Étant donné qu'aucun revenu réel n'est attribué ou mis en paiement, aucun impôt ne peut être retenu par voie de précompte mobilier.

Les actionnaires concernés sont donc tenus de déclarer le dividende fictif dans leur déclaration d'impôt sur le revenu. Pour que les actionnaires puissent s'acquitter de leur obligation de déclaration, il faut évidemment qu'ils aient connaissance du montant imposable. Dans ce cadre, la société est tenue d'établir des fiches individuelles, qu'elle doit remettre à ses actionnaires.

5. Contrairiété au droit européen

L'avis du Conseil d'Etat sur cette nouvelle réglementation a été pour le moins critique, pour ne pas dire "destructeur", ce qui, si cette réglementation est effectivement adoptée, pourrait être laissé à l'appréciation de la Cour constitutionnelle.

Un premier point douloureux, qui n'a pas échappé au Conseil d'Etat, est le conflit de cette réglementation avec la liberté d'établissement européenne. Si un actionnaire résident belge ne transfère pas sa résidence fiscale à l'étranger, l'émigration de la société ne fait pas perdre à la Belgique son pouvoir d'imposition. En effet, en tant qu'État de résidence, la Belgique reste compétente pour prélever un impôt sur les dividendes versés à l'actionnaire résident belge. L’Exit tax constitue injustement un obstacle à la mobilité transfrontalière des sociétés, et donc un obstacle à la liberté d'établissement européenne. Une telle entrave n'est admissible que si celle-ci est justifiée par certains motifs identifiés par la CJCE, notamment (i) répartition équilibrée du pouvoir d’imposition et (ii) la lutte contre les abus et les fraudes. Toutefois, cette justification ne s'applique pas lorsque l'État de sortie ne perd pas son pouvoir d'imposition. Il en va différemment pour les non-résidents, pour lesquels la Belgique perd son pouvoir d'imposition. En réponse à la critique (justifiée) du Conseil d'État, le délégué du ministre a fait valoir qu'un traitement différent entre les résidents et les non-résidents n'est pas admissible, en se référant à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne4 . In casu, un tel traitement distinct peut cependant être justifié au regard de la différence de situation objective. La Belgique ne perd pas son pouvoir d'imposition à l'égard d'un résident qui ne transfère pas sa résidence fiscale, alors qu'elle le perd à l'égard d'un non-résident en raison de la sortie de la société belge.

En outre, les actionnaires réputés recevoir un dividende fictif ont le choix entre un paiement immédiat de l'impôt ou un paiement étalé sur cinq ans. Toutefois, il convient de garder à l'esprit qu'une distinction doit être faite entre les actionnaires sociétés et personnes physiques en ce qui concerne l’Exit tax. Conformément à la jurisprudence de la CJCE [5], la directive ATAD 1 a élaboré un régime d'imposition à la sortie avec la possibilité d'étaler le paiement de l'impôt sur cinq ans. Ce régime ne s'applique toutefois qu'aux sociétés. À ce jour, la CJCE n'a jamais accepté qu'un tel dispositif d'étalement du paiement puisse également s'appliquer à un impôt applicable aux personnes physiques. Prévoir la possibilité d'un paiement échelonné n'est donc pas suffisant lorsqu'il s'agit de personnes physiques en tant que contribuables. Il est donc de jurisprudence constante qu'un impôt de sortie sur des revenus latents différés ne peut être effectivement perçu qu'au moment de la réalisation effective de ces revenus.[6] Notons au passage qu'un recours en annulation a été introduit auprès de la Cour constitutionnelle contre l'article 413/1, §1, alinéa 1, 7° CIR, relatif au choix du paiement immédiat ou échelonné applicable à l'exit tax dans le cadre de la taxe Caïman. L'audience publique dans cette affaire est fixée au 2 juillet 2025 : à suivre et, bien entendu, cela est également pertinent pour la modification envisagée de l'article 413/1 CIR en vue de l'application à l'exit tax dont il est question dans le présent article.

Treaty override

Outre les tensions avec le droit européen, l'impact de la fiction introduite par la Belgique sur l'application des conventions préventives de la double imposition mérite une attention particulière.

En principe, une telle fiction ne fonctionne pas dans le cadre des conventions préventives de la double imposition, à moins qu'elle ne concerne un arrangement qui était déjà prévu au moment de la conclusion de la convention concernée et donc explicitement voulu par les parties à la négociation. Cette initiative unilatérale de la Belgique visant à s'octroyer une base d'imposition supplémentaire peut être contraire à la bonne foi conventionnelle. Dans un contexte international, cette analyse a récemment été abordée aux Pays-Bas et, le Knowledge Group au sein de l'administration fiscale néerlandaise a confirmé que l'introduction par les Pays-Bas d'une fiction selon laquelle il y a un dividende fictif en cas d'emprunt excessif auprès de sa propre société ne fonctionne pas pour les résidents de Belgique en vertu de la convention de double imposition belgo-néerlandaise (KG:041:2025:4 Treaty NL-BEL, Wet excessief lenen bij eigen vennootschap | Kennisgroepen (belastingdienst.nl), position datée du 28 mai 2025), précisément parce qu'elle est contraire à la bonne foi conventionnelle.

Enfin, le risque de double imposition est également bien réel. Si le pays d'arrivée ne reconnaît pas la distribution fictive de dividendes, il peut également ne pas accorder d'exonération ou de crédit pour l'impôt déjà payé au moment de la distribution effective de ce revenu déjà (partiellement) taxé. En outre, cela conduirait à une situation absurde dans laquelle l'actionnaire qui liquiderait une société au lieu de transférer son siège se trouverait dans une position fiscale plus favorable.

Future proof ?

Si cette réglementation est effectivement mise en œuvre – et certainement sous sa forme actuelle –, il reste à voir si elle passera le test de constitutionnalité. En effet, compte tenu des incohérences apparentes avec le droit européen, il y a de fortes chances que cette réglementation fasse l'objet d'un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle. En outre, il convient de noter qu'un tel recours en annulation, s'il aboutit, conduira en principe à une annulation avec effet rétroactif.[7] En effet, en cas de violation du droit européen, les effets ne peuvent être maintenus dans le temps, sauf si la Cour de justice en décide expressément autrement par voie d'exception et pour des raisons impératives de sécurité juridique.

Outre le recours en annulation, il existe d'autres options procédurales. Par exemple, il est possible de déposer une plainte auprès de la Commission européenne (qui peut d'ailleurs être déposée en même temps que le recours en annulation). Bien entendu, des procédures post-taxation sont également possibles.

Lors de la première lecture en commission, un certain nombre d'amendements ont été proposés en vue, entre autres, de la mise en conformité de cette réglementation avec de droit de l’Union européenne. Bien qu'une suppression complète du régime reste l'option la plus préférable en termes de conformité au droit européen, nous espérons qu'au moins quelques ajustements seront mis en œuvre. Après tout, une annulation rétroactive de ce régime pourrait également avoir des conséquences budgétaires

Conclusion

Il n'est pas certain que l'exit tax proposée sous sa forme actuelle ait une longue durée de vie. Il faudra au moins procéder à quelques ajustements pour remédier aux incohérences évidentes avec le droit européen. Mieux encore, il serait préférable de supprimer purement et simplement cette réglementation, surtout si la Belgique, cœur de l‘Union européenne, ne veut pas décourager la création ou le transfert de nouvelles sociétés en / vers la Belgique, par des particuliers ou par des grands groupes internationaux, ce qui serait en totale contradiction avec la politique menée par la Belgique par le passé, ayant toujours été accueillante pour l‘implémentation de structures en Belgique, politique qui a mené à la création de nombreux emplois. Bien entendu, nous suivrons de près la suite des débats sur ce projet de loi.

N'hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions sur cette nouvelle mesure (complexe).

Tiberghien


Références

[1] Voir, entre autres, le VB n° 2023.0060 du 28.02.2023.

[2] Rb. Waals-Brabant (fiscal) (14ek.) n° 21/96/A, 3 février 2023 (n° de rôle : 21/98/A).

[3] CJCE 7 septembre 2006, C-471/04, N, point 46.

[4] CJCE 12 juillet 2012, C-269/09, Commission c. Espagne, point 59.

[5] CJCE 29 novembre 2011, C-371/10, National Grid Indus et CJCE 23 janvier 2014, C-164/12, DMC.

[6] CJCE 11 mars 2004, C-9/02, Lasteyrie du Saillant (C-9/02) ; CJCE 7 septembre 2006, C-471/04, N, point 46 et CJCE 26 février 2019, C-581/17, point 68.

[7] CJCE 5 octobre 2023, C-355/22, Deco Proteste – Editores.

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