La nouvelle législation relative au reporting en matière de durabilité, la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), est entrée en vigueur en janvier 2023. Elle oblige les grandes entreprises et les entreprises cotées à rendre compte de manière détaillée de leurs performances en matière d’ESG (environnement, social et gouvernance) et à publier un rapport de durabilité. La législation CSRD s’inscrit dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal européen) et vise à accroître la transparence et à améliorer la gestion des risques pour les parties prenantes.
Bien que les PME ne soient pas directement soumises aux obligations de la CSRD, un effet de diffusion apparaît : les grandes entreprises demandent à leurs partenaires commerciaux, souvent des PME, de fournir des informations sur la durabilité afin de pouvoir elles-mêmes remplir leurs propres obligations de reporting. Cet effet est renforcé par une réglementation de durabilité plus large applicable aux très grandes entreprises, telle que la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD).
VSME : une réponse standardisée pour les PME
Afin de soutenir les PME, l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a élaboré, à la demande de la Commission européenne, une norme volontaire d’information en matière de durabilité : la norme VSME (Voluntary Small and Medium Enterprise). Cette norme a été officiellement recommandée par la Commission européenne le 30 juillet 2025 et vise à mettre fin au grand nombre de questionnaires de durabilité différents que les PME reçoivent de leurs partenaires commerciaux.
La norme VSME repose sur une structure à deux niveaux afin d’en faciliter l’accès à toutes les entreprises. Les microentreprises peuvent ainsi se concentrer sur les thématiques les plus pertinentes, tandis que les PME de plus grande envergure sont encouragées à appliquer l’ensemble du référentiel VSME. Cette approche permet une mise en œuvre progressive du reporting en matière de durabilité et limite au maximum les obstacles à l’entrée.
Module de base : questions fondamentales de durabilité
Le module de base offre aux PME un cadre simple pour rendre compte de leur impact en matière de durabilité. Les informations à divulguer concernent des thèmes tels que la consommation d’énergie, les émissions de CO₂, la biodiversité et les conditions de travail. Il s’agit principalement de données chiffrées et de questions fermées (oui/non).
Module complet : approfondissement et ambitions de durabilité
Le module complet va plus loin et demande aux entreprises de partager leur politique, leurs actions et leurs objectifs en matière de durabilité. Des sujets tels que les risques climatiques, la diversité de genre et les droits de l’homme y sont abordés. En adoptant le module complet, une PME se positionne comme un partenaire commercial avant-gardiste dans la chaîne de valeur et favorise une amélioration continue.
Paquet Omnibus : simplification et protection des PME
Le 26 février 2025, la Commission européenne a présenté le paquet Omnibus (Omnibus Package). Sa mise en œuvre aura pour effet de limiter de manière significative le nombre d’entreprises soumises à la CSRD, en relevant le seuil d’application à celles comptant plus de 1 000 travailleurs. Omnibus fera ainsi passer de 50 000 à 10 000 le nombre d’entreprises tenues de publier un rapport CSRD.
Un élément essentiel du paquet Omnibus est l’introduction formelle du concept de value chain cap. Ce mécanisme fixe une limite à la quantité d’informations que les grandes entreprises peuvent exiger de leurs partenaires commerciaux. Cette limite est définie sur la base de la norme VSME : concrètement, les grandes entreprises ne peuvent pas demander davantage d’informations aux PME que celles prévues par cette norme. De cette manière, les PME sont protégées contre des demandes d’informations excessives émanant de divers partenaires.
Pourquoi une PME devrait-elle rendre compte volontairement en matière de durabilité ?
Bien que l’application de la VSME ne soit pas obligatoire, plusieurs raisons pourraient inciter les PME à s’y engager :
- Renforcer les relations commerciales : les grandes entreprises et les banques sont incitées à fonder leurs demandes d’informations sur la VSME. Les PME qui appliquent cette norme peuvent répondre plus efficacement aux questions potentielles de leurs partenaires.
- Faciliter l’accès au financement : les banques et les investisseurs utilisent les données ESG dans leur évaluation du risque de crédit. Un reporting conforme à la VSME peut améliorer l’accès au financement et les conditions qui y sont associées.
- Suivre et améliorer les performances : la norme VSME aide les PME à mieux comprendre et à améliorer leurs performances en matière de durabilité, renforçant ainsi leur résilience et leur compétitivité.
Rôle de l’expert-comptable : guide et partenaire de confiance de l’entrepreneur
L’expert-comptable est le principal partenaire des PME dans leurs démarches en matière de durabilité. En tant que personne de confiance de l’entrepreneur, il doit traduire une réglementation complexe en mesures compréhensibles et accompagner ses clients dans la collecte et la structuration des données pertinentes.
Il peut également conseiller le client sur le choix entre les deux modules de la VSME, en fonction de son niveau d’ambition et des raisons de son reporting. Les experts-comptables doivent encourager leurs clients à considérer reporting en matière de durabilité non pas comme une simple obligation, mais comme une opportunité : un levier pour renforcer leur position concurrentielle et un moyen d’améliorer leur accès au financement et de se préparer à la réglementation future.
En tant que partenaires privilégiés des entrepreneurs, les experts-comptables ont une occasion unique d’agir comme catalyseurs de la transition durable des entreprises belges et de contribuer ensemble à un impact sociétal significatif.
Cinq recommandations pour les experts-comptables
- Encourager une attitude proactive
Incitez les PME à ne pas attendre d’être contraintes par le marché à publier des informations, mais à commencer dès maintenant à rassembler les données de durabilité pertinentes. En tant qu’expert-comptable, vous jouez un rôle clé : vous ne vous limitez pas à conseiller et à collecter des données, vous prenez également l’initiative d’établir vous-même le rapport de durabilité. Cette approche proactive permet d’éviter la pression du temps et d’assurer un rapport de meilleure qualité. - Construire une stratégie (de durabilité) avec le client
Aidez votre client à intégrer la durabilité dans sa stratégie d’entreprise. Considérez la durabilité non seulement comme une obligation de reporting, mais aussi comme une opportunité de croissance. Réfléchissez avec lui aux objectifs, aux actions concrètes et aux indicateurs de progrès. - Promouvoir la numérisation
Recommandez à vos clients l’utilisation d’outils et de logiciels numériques pour la collecte et le reporting des données. Ils permettent d’accroître l’efficacité, de réduire les erreurs et facilitent la préparation des rapports futurs. En outre, l’usage de ces solutions participe à la professionnalisation du reporting financier. - Actualiser ses propres connaissances
Suivez de près l’évolution — voire la (r)évolution — des cadres législatifs CSRD, VSME et Omnibus I, car les normes et réglementations évoluent rapidement. En tant qu’expert-comptable, vous êtes la première source d’information fiable et à jour pour vos clients. - Collaborer avec des experts externes
Pour les questions complexes liées à la durabilité, une collaboration avec des spécialistes ESG ou des organisations sectorielles peut s’avérer utile. Mobilisez votre réseau afin d’offrir à vos clients un accompagnement complet et de qualité.
Stijn Hugues et Corneel Maertens
Lisez ce text dans l’ ITAAzine.



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