Les administrations locales sont confrontées à un dilemme : elles souhaitent investir dans des projets de construction publics, mais ne sont plus autorisées à évaluer leurs propres projets lorsque ceux-ci ont un impact significatif sur l'environnement. Une nouvelle proposition de décret vise à sortir de l'impasse, mais soulève en même temps des questions quant à l'indépendance réelle du contrôle des EIE con lorsqu'elle est simplement transférée à un autre niveau politique.
De « juge et partie » à une évaluation plus indépendante
Dans notre précédente contribution, nous avons souligné le conflit fondamental qui existait lorsque les administrations locales devaient évaluer elles-mêmes l’ensemble de leurs projets. La Cour de justice (8 mai 2025) et la Cour constitutionnelle (18 septembre 2025) ont entre-temps confirmé que cela était contraire au droit européen : la directive EIE exige une évaluation réellement indépendante des incidences sur l’environnement, y compris lors de la phase de sélection.
Concrètement, cela signifiait que les communes et les provinces ne pouvaient plus délivrer de permis pour leurs propres projets nécessitant une évaluation des incidences sur l’environnement. Les dossiers de construction de salles de sport, d’écoles ou de travaux routiers ont donc été mis en attente. Le gouvernement flamand a temporairement donné pour instruction de soumettre ces demandes aux autorités supérieures, mais cette solution n’avait pas de base décrétale et n’offrait donc aucune sécurité juridique.
Que propose-t-on ?
La proposition de décret cite plusieurs pistes pour sortir de l’impasse. L’une d’elles consiste à rechercher une plus grande indépendance (réelle) pour le fonctionnaire chargé de l’urbanisme. Cela signifie toutefois que ce fonctionnaire doit disposer de ses propres ressources et de son propre personnel, ce qui, selon les auteurs de la proposition, serait irréalisable. Une autre option consiste à créer un centre d’expertise indépendant pour les évaluations EIE. Cependant, un tel centre ne peut être mis en place du jour au lendemain et n’offre donc pas de solution à court terme.
La proposition de décret opte donc pour le transfert de l’évaluation du contrôle des EIE des projets aux autorités supérieures. Pour les projets communaux, il s’agit de la députation provinciale, et pour les projets provinciaux, il s’agit du gouvernement flamand. Cela crée une base juridique (et une pérennisation) pour la solution intermédiaire actuellement appliquée, avec cette nuance que le traitement ultérieur et la décision concernant le permis restent du ressort de l’autorité initiale.
En d’autres termes, les administrations locales restent compétentes pour délivrer leurs propres permis, mais l’évaluation des incidences sur l’environnement sera désormais effectuée par les autorités supérieures. L’autonomie des administrations locales est ainsi largement préservée, sans entrer en conflit avec le droit en vigueur.
Mesures transitoires et régularisation
Le projet de décret prévoit également un régime pour les dossiers en cours et pour les permis déjà délivrés depuis le 6 octobre 2022. Il s’agit de la date de l’arrêt dit « Wasserij » rendu par le Conseil du Contentieux des permis, dans lequel il a été jugé pour la première fois qu’un fonctionnaire chargé de l’urbanisme ne peut pas décider de manière indépendante de contrôle des EIE d’un projet soumis par sa propre commune.
Tous les dossiers en cours seront transférés à la (nouvelle) autorité compétente en matière de contrôle. Pour les permis déjà délivrés depuis le 6 octobre 2022, le gouvernement flamand est habilité à élaborer un règlement de régularisation afin que les permis légalement délivrés ne risquent pas d’être déclarés invalides. Il est également chargé d’évaluer, dans un délai d’un an et demi, si cette approche fonctionne et si des solutions structurelles sont possibles, par exemple via un centre d’expertise indépendant chargé d’effectuer les contrôles.
La proposition est donc essentiellement temporaire et pragmatique : elle vise à relancer l’octroi de permis pour les projets publics sans risque de nouvelles annulations.
Conclusion
Si la proposition de décret est approuvée dans sa forme actuelle, le contrôle des EIE des projets des administrations locales sera désormais effectuée par les autorités supérieures. Bien que cela puisse être considéré comme un pas dans la bonne direction, il reste à attendre une réforme structurelle qui aligne durablement le système sur le droit européen. L’évaluation annoncée dans un délai de 18 mois constituera à cet égard un point de référence important.
La proposition met en effet en évidence un problème plus profond : l’imbrication des intérêts politiques et administratifs dans les dossiers de construction publics. Le simple fait de transférer l’évaluation des incidences environnementales à un niveau administratif supérieur, où la même dynamique politique peut jouer, ne résout pas complètement ce conflit fondamental.
Matias Osorio Olivera – Andersen


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