À partir de 2026, la manière dont les entreprises échangent leurs factures en Belgique changera fondamentalement. La facturation électronique deviendra obligatoire pour toutes les transactions B2B. Ce qui semble encore abstrait pour de nombreux entrepreneurs est particulièrement concret pour les experts-comptables : cela touche au cœur de leur travail quotidien. La facture, qui fut pendant des années le document central de chaque dossier, adoptera un format entièrement nouveau. Fini les PDF envoyés par e-mail, fini les piles de papier qui s’accumulent dans des armoires : place à des ensembles de données structurées qui, via le réseau sécurisé Peppol, seront transmis directement d’une comptabilité à l’autre.
Cette perspective suscite des réactions variées. Certains poussent un soupir de soulagement à l’idée que le travail administratif interminable et le traitement manuel sujet aux erreurs appartiennent désormais au passé. D’autres craignent que la transition se déroule de manière chaotique, que des clients se désengagent ou que le logiciel choisi s’avère inadapté. Pourtant, la facturation électronique n’a rien d’intimidant. Au contraire, ceux qui se lancent à temps et de façon réfléchie peuvent assurer une transition fluide tout en profitant clairement d’avantages.
Il ne faut pas voir l’obligation uniquement comme un carcan imposé. Certes, les entreprises qui n’émettront toujours pas de factures électroniques après le 1er janvier 2026 s’exposent à des sanctions et à des problèmes en ce qui concerne la déduction de la TVA. Mais se concentrer uniquement sur ce côté négatif, c’est passer à côté du véritable bénéfice. La facturation électronique accélère les processus, facilite les paiements, réduit le risque de fraude et apporte de la clarté dans l’administration. Pour les experts-comptables, cela signifie moins de temps perdu en pure saisie et davantage de temps libéré pour conseiller les clients. Le passage à la facturation électronique est donc bien plus qu’une obligation juridique : c’est une occasion de rendre le cabinet plus efficace et de renforcer la collaboration avec la clientèle.
Le processus de choix en trois étapes
Étape 1 : analyser en profondeur le processus actuel
Pour les experts-comptables, la préparation ne débute pas dans les catalogues de logiciels, mais dans une réflexion intérieure. Comment se déroule précisément le processus de facturation actuel, tant au sein du cabinet qu’auprès des clients que l’on conseille ?
Il y a encore des entrepreneurs qui établissent leurs factures dans Word ou Excel et les envoient en PDF. D’autres entreprises utilisent bien un outil de facturation, mais qui n’est pas conforme à Peppol. Certaines organisations disposent déjà d’un logiciel comptable techniquement prêt pour la facturation électronique, mais dont les fonctionnalités sont à peine exploitées.
Cela vaut la peine d’examiner cette situation en détail. Combien de factures sont traitées chaque mois ? Comment arrivent-elles ? Quelle est la perte de temps liée au traitement et au contrôle ? Où se situent les principales frustrations ? Un expert-comptable qui cartographie cela clairement peut formuler des exigences beaucoup plus ciblées lors du choix d’un nouveau logiciel.
Cette analyse est aussi l’occasion de sensibiliser les clients. Non pas en brandissant des menaces d’amendes ou des règles, mais en mettant en évidence ce qui fonctionne mal aujourd’hui, et en expliquant comment la facturation électronique peut y remédier. Et donc, une discussion du type : « Voici votre manière actuelle de travailler, voici ce qui changera à partir de 2026 et voici les avantages que vous en tirerez. »
Étape 2 : identifier les points d’amélioration
L’introduction obligatoire de la facturation électronique est une excellente occasion d’examiner de manière critique les méthodes de travail existantes. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné jusqu’à présent ? Y a-t-il eu des doublons dans l’exécution des tâches ? Les paiements étaient-ils insuffisamment suivis ? Les reconnaissances OCR erronées provoquaient-elles des frustrations ?
La facturation électronique, en effet, ne consiste pas seulement à se conformer à la loi, c’est une manière d’éliminer structurellement les anciens points faibles. Le nouveau système ne doit pas numériser les problèmes d’hier, mais il doit les supprimer.
Passer en revue les avantages concrets rend la transition moins menaçante. Moins de travail manuel, moins d’erreurs, des paiements plus rapides, une meilleure visibilité sur la trésorerie, et des coûts réduits : autant d’arguments qui convainquent non seulement les experts-comptables mais aussi les clients d’adhérer au projet.
Étape 3 : sélectionner le logiciel
Ce n’est qu’après cette analyse que commence la recherche de logiciels, et c’est souvent là que les choses se compliquent. Le marché est vaste et diversifié : plateformes internationales, spécialistes belges et intégrations dans des solutions existantes rivalisent pour attirer votre attention. Chaque produit promet efficacité et confort, mais tous ne conviennent pas aux besoins spécifiques des cabinets comptables.
La première sélection s’effectue au niveau de la conformité. Sans connexion à Peppol et sans prise en charge du format UBL, un logiciel n’entre tout simplement pas en ligne de compte. Ensuite, la convivialité et les fonctionnalités jouent un rôle majeur. Un entrepreneur peut-il envoyer une facture sans difficulté ? L’expert-comptable dispose-t-il d’un tableau de bord clair qui affiche en un coup d’œil l’état des factures ?
La compatibilité est tout aussi cruciale. Le logiciel doit fonctionner sans problème avec le progiciel comptable du cabinet et avec les outils des clients. Une solution qui ne fonctionne bien que dans son propre écosystème peut sembler pratique à court terme, mais créera des frustrations à long terme.
Et puis il y a le prix. Ce n’est pas seulement le coût de la licence qui compte, mais aussi l’implémentation, la formation, les intégrations et le support. Une solution bon marché peut finalement coûter cher, tandis qu’une licence plus chère peut s’amortir grâce au gain de temps et à l’évitement d’erreurs.

Les dix points d’attention
1. Convivialité
Une technologie, même très avancée, est inutile si les utilisateurs la trouvent compliquée. Ce peut être surmontable pour les experts-comptables, mais pour les clients, il s’agit d’un point de rupture.
Un indépendant qui doit se débattre avec des menus complexes retombera vite dans l’habitude d’envoyer un PDF par e-mail. Une PME qui vit la transition comme un double travail la percevra comme une contrainte. Et dès que cette adhésion disparaît, les avantages de la facturation électronique s’envolent.
Il est donc crucial de toujours tester le logiciel, tout en adoptant la perspective du client. Quel est le nombre d’étapes nécessaires pour envoyer une facture ? Le tableau de bord est-il intuitif ? Celui qui ne dispose pas d’expérience numérique peut-il s’en sortir ? Plus le seuil est bas, plus les chances sont grandes que le système soit largement adopté.
2. Suivi des factures en temps réel
Un des principaux avantages de la facturation électronique est la transparence. Plus besoin de deviner l’état d’une facture – envoyée, reçue, refusée ou payée –, l’information est disponible immédiatement.
Cela signifie pour les experts-comptables un règlement plus rapide des discussions sur les paiements tardifs, pour les clients une meilleure gestion de la trésorerie, et pour la collaboration en général moins de malentendus et plus de confiance.
La manière dont le logiciel présente l’information est cruciale. Un tableau de bord qui affiche clairement les factures nécessitant une attention particulière apporte une grande valeur ajoutée.
3. Mobilité et flexibilité
Si le travail des experts-comptables ne se fait plus exclusivement derrière un bureau, c’est encore plus vrai pour les clients. Par conséquent, une solution adaptée aux mobiles n’est pas un luxe, mais une nécessité absolue.
Il ne doit pas forcément s’agir d’une application distincte, tant que le logiciel fonctionne de manière fiable via un navigateur sur smartphone ou tablette. Pouvoir consulter rapidement une facture en déplacement fait toute la différence.
4. Rapidité de mise en œuvre
Un logiciel qui exige des mois de préparation n’est pas réaliste d’ici 2026. L’échéance est fixée, et de nombreux cabinets ne passeront à l’action que fin 2025.
Un bon logiciel doit donc être opérationnel rapidement. L’enregistrement sur Peppol ne doit pas être un obstacle : en quelques clics, le lien doit être établi. Plus les clients envoient rapidement leur première facture et les experts-comptables la traitent, plus la mise en œuvre sera fluide et la confiance renforcée.
5. Sécurité : pas un détail, mais un fondement
Une facture contient des informations sensibles : numéros de TVA, numéros de compte bancaire, montants, parfois même des données personnelles. En tant qu’expert-comptable, vous avez la responsabilité de conserver et de traiter ces données en toute sécurité. Demandez donc explicitement aux fournisseurs où se trouvent leurs serveurs : dans l’Union européenne, sous la protection du RGPD, ou hors d’Europe, où d’autres règles s’appliquent. Informez-vous sur la manière dont les données sont cryptées – tant lors de l’envoi que lors du stockage – et sur la fréquence des sauvegardes. Le plan de reprise après sinistre est tout aussi important : à quelle vitesse le logiciel peut-il redevenir opérationnel après une panne ou une attaque ? Un fournisseur qui donne des réponses claires et transparentes prouve qu’il comprend le rôle de confiance des experts-comptables.
6. Le prix : la transparence avant tout
De nombreux éditeurs de logiciels proposent une formule d’abonnement par utilisateur ou par mois. Cela semble clair, mais des coûts cachés apparaissent souvent : frais supplémentaires de stockage, frais au-delà d’un certain volume de factures, frais pour des intégrations ou pour le support.
Pour les experts-comptables, c’est un cauchemar. Ils ont besoin de certitude, tant pour eux-mêmes que pour leurs clients. Choisissez donc une solution qui communique de manière claire et transparente sur les prix. Un prix fixe apporte de la tranquillité ; des factures surprises entraînent frustration et méfiance.
7. Scalabilité : prêt pour l’avenir
Un cabinet qui gère aujourd’hui cinquante dossiers peut en avoir deux cents dans quelques années. De nouveaux clients apportent non seulement plus de factures, mais aussi des flux plus complexes. Un logiciel adapté aux besoins actuels peut soudain s’avérer inadapté.
La scalabilité est donc essentielle, tant en volume qu’en fonctionnalités. Aujourd’hui, il suffit peut-être d’envoyer et de recevoir des factures, mais demain, les clients attendront des flux de validation, des intégrations avec des ERP ou des connexions avec des banques.
Celui qui choisit un logiciel doit oser anticiper. La solution est-elle extensible de manière modulaire ? Le fournisseur dispose-t-il d’une feuille de route claire ? L’infrastructure peut-elle supporter des volumes plus importants sans perte de qualité ? Se focaliser uniquement sur les besoins actuels, c’est risquer de devoir migrer à nouveau dans quelques années : une opération coûteuse et lourde.
8. Support : fournisseur ou partenaire ?
Le support est souvent un aspect sous-estimé, mais dans la pratique, il est crucial. Chacun connaît la frustration d’un helpdesk qui, après une longue attente, fournit une réponse standardisée. Pour des experts-comptables travaillant sous pression, c’est inacceptable.
Un bon support implique la mise à disposition d’une assistance en français et en néerlandais, la compréhension du contexte belge et de la réglementation fiscale, et la résolution rapide des problèmes. Mais cela va plus loin : communication proactive en cas d’incident, implication dans les améliorations, et une approche qui ressemble davantage à un partenariat qu’à une simple relation de vente.
Pour les experts-comptables, eux-mêmes garants de la confiance de leurs clients, cette différence est essentielle.
9. Gestion du changement : rallier les personnes
Techniquement, installer un nouveau logiciel n’est pas particulièrement difficile. Le vrai défi réside dans l’adhésion des personnes. Les collaborateurs qui ont travaillé pendant des années de la même manière doivent changer leurs habitudes. Les clients qui ont toujours envoyé des PDF doivent apprendre à utiliser un portail.
Penser que cela se fera tout seul est une erreur. Sans accompagnement, la facturation électronique sera perçue comme une contrainte plutôt qu’un progrès. C’est pourquoi la gestion du changement est aussi importante que le choix du logiciel lui-même.
Des formations internes, la désignation d’ambassadeurs capables de soutenir leurs collègues et une communication claire envers les clients font une énorme différence. En mettant l’accent sur les avantages – vision plus rapide, meilleure trésorerie, moins d’erreurs –, l’adhésion grandit et la transition devient un succès.
10. Contexte belge : local ou international ?
Le marché des logiciels est vaste. Les grands acteurs internationaux offrent des solutions puissantes avec de nombreuses fonctionnalités, mais sont parfois déconnectés de la réalité belge, comme les liaisons avec les banques ou la connaissance des règles locales de TVA. Les fournisseurs locaux ont cet avantage, mais sont parfois d’envergure plus limitée, avec des capacités d’innovation moindres.
Pour les experts-comptables, le choix est donc une question d’arbitrage. Optez-vous pour l’envergure et la capacité d’innovation d’un acteur international, au risque de devoir résoudre vous-même certaines intégrations ? Ou préférez-vous la proximité et le pragmatisme d’un fournisseur belge, qui connaît parfaitement le contexte local ?
La réponse dépend du portefeuille de clients et des ambitions du cabinet. Pour les indépendants et les PME, une solution locale suffit souvent. Pour les cabinets aux activités internationales, une plateforme robuste offrant des possibilités transfrontalières est plus intéressante.
Vous le voyez immédiatement : la facturation électronique n’est pas un fardeau que vous devez porter, mais un levier qui peut propulser votre cabinet vers l’avant. Celui qui choisit dès maintenant le bon logiciel gagne non seulement en efficacité et en sécurité, mais aussi en temps et en confiance auprès des clients. En portant attention à la convivialité, à l’intégration, à la sécurité et à la vision d’avenir, vous transformez une obligation légale en atout stratégique.
Dimitri Thijskens
Lisez ce text dans l’ITAAzine.
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