À partir du 1er janvier 2026, la Belgique franchira une étape importante dans la numérisation de son monde entrepreneurial : la facturation électronique obligatoire (e-facturation) pour les transactions entre entreprises assujetties à la TVA. Il s’agit d’une mesure à l’impact considérable, car on estime que plus de 1,2 million de numéros de TVA ne pourront plus envoyer leurs factures sur papier ou au format PDF, mais devront utiliser le format structuré UBL.
Cette réforme soulève immédiatement une question cruciale : qui est exactement concerné ? Dans cet article, nous proposons un aperçu complet des entreprises et transactions entrant dans le champ d’application de la nouvelle obligation, des exceptions prévues et de la manière de traiter les situations particulières. Le rôle des différents types de factures est également abordé, car toutes les factures ne sont pas identiques – et pourtant, la plupart tombent sous l’obligation.
Transactions Business-to-Business belges
Pour commencer, il est essentiel de comprendre que l’obligation ne s’applique qu’aux transactions entre entreprises assujetties à la TVA en Belgique. Il s’agit donc de transactions business-to-business dans lesquelles le fournisseur et le client disposent d’un numéro de TVA belge. Dans ce cas, l’émission et la réception d’une facture électronique structurée sont obligatoires. Peu importe qu’il s’agisse d’une grande société ou d’un petit indépendant, d’une entreprise individuelle ou d’un professionnel libéral. Tant qu’il est question d’une opération assujettie nécessitant une facture, celle-ci devra, dès 2026, être émise électroniquement.
Être assujetti à la TVA en Belgique peut prendre différentes formes. Bien entendu, les entreprises classiques établies en Belgique sont soumises à l’obligation, mais les groupements TVA et les établissements belges stables d’entreprises étrangères entrent également dans le champ. Les entreprises étrangères disposant d’un enregistrement TVA en Belgique et exploitant un établissement stable y sont traitées de la même manière que les entreprises belges. Cela signifie qu’elles doivent elles aussi émettre leurs factures B2B de manière électronique. L’obligation va donc au-delà des sociétés constituées en Belgique et englobe tous les acteurs qui exercent effectivement une activité économique en Belgique sous un numéro de TVA.
Un cas particulier est celui des ASBL. Beaucoup d’ASBL exercent des activités exonérées de TVA, par exemple dans les secteurs de l’enseignement ou de la santé. Pour ces activités, l’obligation ne s’applique pas. Mais dès qu’une ASBL réalise une transaction B2B imposable, comme un contrat de sponsoring ou la location d’une salle à une entreprise, elle est tenue d’émettre une facture électronique structurée. La règle est simple : pas d’obligation pour les activités exonérées, mais obligation pour toutes les autres transactions. Cela signifie que même des organisations qui ne sont pas connues comme acteurs commerciaux au premier plan pourront être confrontées aux nouvelles règles.
Exceptions à la règle
Outre cette règle générale, il existe évidemment des exceptions. La principale concerne les transactions avec des consommateurs (transactions B2C). Les factures adressées aux particuliers échappent à l’obligation. Le boulanger du coin n’a donc pas à envoyer de factures électroniques à ses clients particuliers. Les transactions internationales sont également exclues de l’obligation belge. Un fournisseur belge qui livre des biens ou des services à une entreprise aux Pays-Bas ou en France ne doit pas encore respecter les règles belges de facturation électronique. Toutefois, dans de tels cas, des factures électroniques doivent souvent être émises, et la directive européenne ViDA prévoit qu’à partir de 2030 la facturation électronique et le e-reporting deviendront également obligatoires au niveau européen.
Il existe aussi des exceptions pour certaines catégories d’assujettis. Les entreprises qui exercent exclusivement des activités exonérées de TVA au sens de l’article 44 du Code de la TVA sont hors champ. De même, les entreprises déclarées en faillite ne sont pas obligées d’émettre des factures électroniques pour les activités couvertes par la faillite. Une autre exception concerne les entreprises relevant du régime forfaitaire de TVA. Pour l’instant, elles sont exemptées, mais comme ce système sera totalement supprimé d’ici 2028, ce groupe sera également concerné par l’obligation à terme. Enfin, les assujettis étrangers disposant d’un enregistrement TVA belge mais n’ayant pas d’établissement stable en Belgique ne sont pas visés, la loi ayant fixé la limite aux entreprises disposant d’une présence physique effective sur le territoire belge.
Quels types de factures sont concernés ?
Les entreprises entrant dans le champ d’application ne doivent pas seulement se demander si elles doivent émettre des factures électroniques, mais aussi quelles factures sont concernées. En principe, l’obligation s’applique à toutes les factures jouant un rôle dans le système TVA. Cela signifie que les factures ordinaires, les factures d’acompte, les notes de crédit et de débit doivent toutes être établies sous forme électronique structurée et échangées via Peppol. L’autofacturation (self-billing), par laquelle le client établit lui-même une facture au nom du fournisseur, doit également se faire de manière électronique.
Il existe toutefois certains types de documents qui échappent au champ d’application. Une facture simplifiée, par exemple un ticket de caisse pour un achat inférieur à 250 euros, n’a pas besoin d’être émise électroniquement. Il en va de même pour les factures pro forma, qui n’ont pas de valeur fiscale et n’ouvrent pas droit à déduction de TVA. Ces documents n’ont qu’une valeur informative et ne sont donc pas soumis à l’obligation. Il convient néanmoins de souligner que presque tous les autres types de factures circulant dans l’économie entrent bel et bien dans le champ d’application. Des règles existent également pour les bordereaux d’achat, les factures partielles, les factures globales et les factures d’exportation. Pour les exportations ou livraisons intracommunautaires, la facture doit également être émise sous forme électronique, avec la mention correcte de TVA, telle que « autoliquidation ». Pour les notes d’honoraires des professions libérales, la même règle s’applique : dès qu’il s’agit d’une transaction assujettie à la TVA, le document doit être émis électroniquement.
Une portée volontairement large
Le législateur a donc choisi de donner à l’obligation un champ d’application aussi large que possible. Seules les transactions hors du système TVA ou celles destinées aux consommateurs en sont exclues. Cela signifie que la grande majorité des transactions économiques en Belgique devront être effectuées électroniquement à partir de 2026. Pour les entreprises, il s’agit d’un changement fondamental dans leur administration. Là où une facture PDF suffit encore aujourd’hui, cela ne sera plus possible à partir de 2026. Seul un format électronique structuré, conforme aux normes européennes, sera accepté.
La question de savoir si l’on peut utiliser des factures électroniques dans des situations où cela n’est pas obligatoire mérite également d’être posée. La réponse est positive : les parties sont toujours libres de recourir à la facturation électronique, même lorsqu’elle n’est pas légalement imposée, pour autant que les deux parties soient d’accord. Cela peut s’avérer pratique pour des transactions qui échappent de justesse au champ d’application, mais pour lesquelles les parties souhaitent tout de même bénéficier des avantages de la facturation électronique.
Un impact considérable
L’impact de ce champ d’application large ne doit pas être sous-estimé. Pour les entreprises encore fortement dépendantes des factures papier ou PDF, cela représente une transition en profondeur. Pour les comptables et les fournisseurs de logiciels, c’est l’occasion d’accompagner leurs clients dans cette évolution. Et pour l’État, il s’agit d’une étape cruciale dans la lutte contre la fraude à la TVA et dans la modernisation de la fiscalité. Il est clair que les acteurs concernés ont tout intérêt à se préparer dès que possible.
Christophe Vanhoutte – ITAA
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